Exposition d’art Aborigène “Baton passing of the Guardians” - Aboriginal art from Australia
En association avec les artistes du centre d’art de Tjungu Palya.
A la galerie Aboriginal Signature Estrangin : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles.
Vernissage sur RDV le mardi 27 février de 11h30 à 21h30.
A 20h - discours du directeur de la galerie et drink.
RSVP - réserver votre visite
Ensuite la galerie vous reçoit sur RDV, du mercredi 28 février au samedi 23 mars 2024, du mardi au samedi, de 11h à 19h : vous pouvez également réserver votre visite dés à présent dans notre agenda ici.
Baton passing of the Guardians
La galerie Aboriginal Signature Estrangin est fière de vous présenter l’exposition «Baton passing of the Guardians», réunissant 30 peintures sur toile réalisées par 13 artistes Aborigènes d’Australie, des anciens à la toute jeune génération, sélectionnées in situ il y a 6 mois en Australie.
Après un long périple de plusieurs milliers de kilomètres dans le désert Australien, j’arrive enfin avant la nuit dans le centre d’art de Tjungu Palya le 18 juillet 2023. De nombreux artistes sont présents et pour la première fois depuis longtemps de jeunes hommes aussi, qui peignent à leur tour et reprennent le flambeau des aînés.
Le centre d’art a été particulièrement chahuté durant la dernière pandémie, et totalement fermé pendant quelques temps en raison du Covid. Les conséquences ont été dramatiques ici avec le départ des familles, la liquidation de l’unique magasin de la communauté et la désertification des lieux avec l’abandon du village et de toutes ces maisons maintenant fantômes.
Depuis un an, une femme formidable a repris le centre d’art en main à la demande de la communauté Aborigène et habite en partie seule ici dans une habitation isolée. Les artistes résident un peu plus loin dans le désert à un autre village à 17 km de là. La nuit dans sa maison le silence est total. Pas de chiens qui aboient ou de dingos – une sous-espèce du loup - qui gémissent ou hurlent. Pas de cris d’enfants. Juste le vent qui caresse les tôles avec des grincements et grognements dans l’ombrage d’une vie hier plus marquée.
Ses parents furent missionnaires en Papouasie Nouvelle Guinée. Nous discutons ensemble et probablement son expérience des missions, de l’importance de la présence et de l’accompagnement, lui permettent d’avoir la force morale d’être là au milieu d’un hameau presque abandonné.
En Europe, nous n’imaginons jamais assez l’importance sociale, culturelle, artistique, des centres d’art avec qui la galerie Aboriginal Signature Estrangin travaille en direct en se rendant sur place pour monter des projets en partenariat.
Ces structures à but non lucratifs apportent grâce à leur art des ressources à la communauté, dans des lieux improbables à nos yeux, qui permettent aux communautés Aborigènes de rester proches de leurs lieux spirituels, de leurs native homelands, pour les préserver des convoitises, et garder cet ancrage unique à la terre qui contribue à structurer et assurer le lien social entre tous.
Le lendemain je vais à pied au centre d’art. C’est la 5e fois que je leur rends visite en 10 ans, muni d’un permis spécial, et invité par la communauté Aborigène et leur board des directeurs.
Ashleigh est déjà là, comme les artistes, et la studio manager qui accompagne remarquablement les peintres pour aider sur le plan logistique quelques semaines encore.
Je découvre avec enthousiasme de nouveaux talents comme ce petit gars de 12 ans, sourd et muet qui commence à peindre avec un geste incroyablement libéré des histoires liées au Mamu (un mauvais esprit) et se fait peur lui-même en les révélant sur la toile, ou des excroissances graphiques liées à ses jeux vidéo. C’est passionnant et décalé.
D’autres enfants sont là aussi durant les vacances et prennent ici goût à la peinture. C’est un magnifique encouragement et signal pour la suite.
La nouvelle génération des peintres comme Clarisse Tunkin (1993), Bradley Tunkin, Lance Peck, Keahanie May Tunkin, offre aussi de magnifiques réalisations que je sélectionne, tant je suis impatient de montrer cette relève à Bruxelles, issue de grandes lignées d’initiés - artistes, comme leur mère Teresa Baker (1977), leur grand-mère Kaye Baker (1955), leurs tantes Imitjala Pollard (1963) et Marita Baker (1968), toutes présentes à travers de superbes œuvres dans l’exposition à Bruxelles.
C’est une véritable dynamique de bâton passing et de transmission du savoir des plus anciens aux plus jeunes, qui prend forme ici de façon exemplaire avec tous ces sourires dessinés sur leurs visages concentrés, dans cet effort immuable de partage de la mémoire.
Une mémoire orale précieuse qui se cristallise aujourd’hui sur la toile, à laquelle nous souhaitons rendre hommage à Bruxelles, avec également une sélection d’œuvres des anciens comme le couple emblématique Iyawi Wikilyiri (1945 - dec) et Ginger Wikilyiri (1930- dec) avec leurs peintures aux teintes extraordinaires, vert tendre et parme, et la grande artiste Angkaliya Curtis (1928 - dec.) ou Nellie Stewart (1935 - dec.).
Les mains agiles de la jeune génération virevoltent à leur tour des pots de peinture à la toile, avec les baguettes de bois trempées dans les mélanges d’acrylique pour révéler point par point l’Histoire du Tjukurpa ou Temps du Rêve.
L’après-midi c’est le money business. Un moment toujours sensible du partage de l’argent issu de la vente des toiles. De mon côté je vais aller faire un petit Bush trip à côté avec deux grands ados et un jeune adulte - Sammy May Tunkin, Lindsey, et Tarisha Peters.
Nous allons suivre ensemble les traces de l’émeu, ce grand oiseau du bush si important dans leur culture. À l’entrée de la gorge, des pierres rondes qu’ils caressent sont les œufs de l’ancêtre Émeu. Puis nous remontons le torrent asséché constitué de multiples bassins et piscines naturelles où les enfants adorent nager. Les contrastes sont sublimes et résonnent dans leurs peintures exposées à Bruxelles.
Ces paysages grandioses sont signifiants, porteurs d’une mémoire si ancienne, ancrée, et portée par les hommes et femmes extraordinaires qui habitent encore et résident dans ces contrées hors du temps, connectées à la terre, considérées par les Australiens comme les coins les plus éloignés de leur pays.Nous nous réjouissons de vous accueillir au sein de la galerie à Bruxelles, dans notre espace de 250 m2 tout entier dédié à ces grands et petits trésors du bout du monde.
Bertrand Estrangin
Directeur de la galerie