Exposition d’art Aborigène “The Rictor Family - Last nomads of Australia” Aboriginal art from remote Australia
A la galerie Aboriginal Signature Estrangin : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles.
Visites sur RDV ensuite jusqu’au samedi 14 octobre 2023.
Notre galerie est ouverte à tous et vous reçoit sur RDV du mardi au samedi, de 11h à 19h.
Nous nous réjouissons de vous y accueillir et vous invitons à réserver votre visite dans notre agenda ici.
Last nomads of Australia - the Rictor Family
Spinifex Art Project
Nous vous invitons à l’autre bout du monde, dans le grand désert du Victoria au sud de l’Australie, pour une exposition sublime et rare à la galerie Aboriginal Signature Estrangin, sur les « derniers nomades d’Australie - the Rictor Family » en partenariat avec la communauté artistique du Spinifex Art Project.
Leur histoire est époustouflante. En 1986 sur un territoire parmi les plus isolés du globe, des traces de pas sont repérées près d’un lieu sacré. Elles intriguent et laissent penser qu’un clan a survécu à la dureté du désert, sans aucun contact avec le monde moderne, isolé de leur communauté d’origine depuis plus de 25 ans, date des premières sédentarisations ici.
Face aux sécheresses répétées, véritables dangers, les Aborigènes Anangu installés dans la petite communauté de Tjuntjunjara, montent alors une expédition pour partir dans le désert à leur recherche.
Grâce à leur connaissance des pistes chantées, ils suivent les pas des ancêtres, de trous d’eau en trous d’eau, des lieux éphémères à ceux plus permanents, en observant comme des trackers du bush les moindres témoignages visibles d’une famille encore vivante en ces lieux arides.
1986 : découverte des derniers chasseurs-cueilleurs d’Australie
Après un long périple, ils retrouvent quelques jours plus tard les 7 derniers nomades d’Australie, du groupe linguistique Wankatja, avec leur famille qui sera qualifiée plus tard par le nom de Rictor.
C’est un évènement national en Australie et au delà, qui fera la une de la presse il y a juste 37 ans : « Lost brothers awaken the civilization ».
C’est la découverte d’un nouveau monde pour leurs parents et les trois frères (Noli, Ian, Mick) dont l’âge est estimé à 19, 28 et 35 ans, et pour Tjaruwa Woods et son jeune fils Damien qui ignoraient alors l’existence des whitefellas (hommes blancs) jusqu’à ce jour.
Les retrouvailles furent émouvantes et marquantes et résonnent encore jusqu’ici à Bruxelles avec cette magnifique exposition montée en partenariat avec les artistes Ian Rictor (1960), Noli Rictor, Mick Rictor et Tjaruwa Wood du Spinifex Art Project. Ils deviendront chacun d’immenses artistes, à travers un parcours unique dans l’histoire de l’art, de ces dernières empreintes de pas avant le contact avec le monde moderne, aux cimaises des plus grands musées du monde aujourd’hui, comme dans un accélérateur temporel qui nous connecte directement aux origines du monde, à l’essence même de la Création.
Une peinture politique pour récupérer le territoire
Dix ans plus tard en 1998, la communauté du Spinifex à Tjuntjunjara, réalise deux œuvres collaboratives masculine et féminine, pour démontrer la continuité d’occupation de leurs lieux sacrés, sans interruption, avant la colonisation, pendant et après celle-ci. Cette preuve tangible sous forme de deux peintures, documentait les lieux de naissance de tous les demandeurs du Spinifex et leurs droits sur l’intégralité de la zone de revendication légale. Elle constituait un témoignage plus fort encore qu’un acte notarié, pour contester et récupérer leur territoire auprès des tribunaux.
Dans le cadre de la loi du « Native Act Title », ils vont réussir après un long processus à récupérer 76 000 kilomètres carrés de leurs territoires ancestraux dans le grand désert du Victoria. C’est une victoire et un évènement inimaginable pour les frères Rictor et Tjaruwa Woods, qui ignoraient 10 ans plus tôt l’existence même de blancs qui avaient pris leurs terres.
Ces hommes et ces femmes vont ainsi peindre pour le première fois, non pas pour le monde de l’art, mais pour défendre leurs droits inaliénables et immémoriaux. Ensemble ils vont écrire une nouvelle page de l’histoire de l’art et faire partie des plus grands artistes de cette île continent.
2023 : un cheminement initiatique à la rencontre de leur culture
Il y a un mois fin Juillet 2023, j’allais à nouveau à leur rencontre dans le Grand Désert du Victoria lors d’un périple solitaire en 4x4 sur 700 km de pistes, à travers des centaines de dunes de plus de 10 mètres de haut. J’étais leur invité pour préparer cette exposition avec leur communauté. En suivant la piste chantée du « Business » cérémoniel des Homme, sans possibilité de trouver des ressources en eau ou en carburant, isolé, bivouaquant dans le froid à la nuit tombé, là où la terre craquelée semble pulvérisée, j’y ressentais les dimensions plus invisibles de leur territoire, comme un cheminement initiatique à la rencontre de leur culture.
Leurs peintures sont bien souvent entourées de secrets et seuls les détails superficiels peuvent être partagés, avec des personnages décrits comme des êtres créateurs qui ont le pouvoir de transformation, non seulement d'eux-mêmes mais aussi du paysage qu'ils ont déplacé, en laissant des souvenirs physiques indélébiles dans un environnement cartographique enveloppé de chants et des danses pour que tous puissent les suivre encore aujourd’hui.
Tjaruwa Woods (1954-2019) issue de la famille des derniers chasseurs-cueilleurs d’Australie, vient d'une région comportant de nombreuses dunes et trous rocheux, qu'elle évoque avec révérence dans ses peintures. Son savoir ancestral lui donne autorité pour souligner les éléments structurants du Tjukurpa ou temps de Création, comme les sources d’eau, si précieuses dans le désert.
Elle a elle-même traversé durant toute sa jeunesse ces lieux emblématiques qui portent les histoires d'êtres Créateurs.
Leurs pouvoirs magiques ont formé le paysage au fur et à mesure de leurs périples qui s'entrecroisent dans le paysage désertique. Non figé dans le temps, ces êtres sont encore vivants dans le paysage et célébré par les artistes dépositaires du savoir.
Mick Rictor (1957) est un des artistes les plus énigmatiques du Spinifex Art Project, décrit par ses comparses Anangu, comme un homme sauvage, féroce, comme l'étaient les anciens nomades seniors avant que les gens ne soient adoucis par la vie moderne. Il commence à peindre fin 2016. Dans ses rares œuvres, il nous invite a contempler des compositions picturales épurées, laissant place aux éléments essentiels du territoire, sous la forme d’esquisse des contours, entrelacés et suspendus dans l’immensité de l'espace sauvage et vierge du Grand Désert du Victoria. Avant de se lancer sur la toile, il passe de longs moments à parcourir la toile vierge avec la main sur le menton comme Le Penseur de Rodin, avant de commencer la sélection de la couleur et du pinceau, puis après une longue période il se lance. Il place les points individuellement avec lenteur et attention, de façon rythmique, avec une seule couleur, ou des couleurs multiples, l'une masquant l'autre. Ses œuvres font référence aux paysages, et soulignent les vastes plaines nichées entre des lignes parallèles des dunes de sable, avec le rouge lie de vin soulignant les affleurements rocheux de granit à la limite nord, ponctués par les points d'eau sacrés gardés par les serpents Wanampi et les Mamu Tjina avec les empreintes de pas des sorciers du Tjukurpa.
Ian Rictor (1960) peint avec humilité et respect les sites essentiels du paysage chargés de sens, où certains sont entourés de secret, dont il ne peut alors révéler que les détails superficiels comme pour le site important de Tuwan situé au cœur du pays traditionnel Spinifex. Cette histoire du temps de la Création nous invite dans le récit épique du voyage d'un groupe d’oiseaux diamants mandarins qui se dirigent vers le sud pour sauver le monde de la montée des eaux lors du déluge. Les grands ancêtres créateurs utilisent leurs lances pour créer des remparts géants pour retenir la mer en élevant des falaises de pierre grâce à leur pouvoir de transformation, non seulement d'eux-mêmes mais aussi du paysage qu'ils ont déplacé. On retrouve dans les peintures de Ian les évocations des souvenirs physiques indélébiles des anciens dans un environnement cartographié, enveloppés de chants et de danses pour que tous puissent les suivre encore aujourd’hui.
Noli Rictor (1969) représente avec délicatesse et pudeur le territoire ancestral qui l’a vu naître, et dont il maîtrise l’histoire spirituelle. Il la révèle en partie avec différents niveaux de lecture soulignés par les effets de profondeur et de densité, les formes abstraites conjuguées sur la toile, qui évoquent les personnages incarnant le paysage et donnant naissance aux formations physiques à travers leurs mouvements. Les formes géométriques ébauchées dans ses œuvres font sens et soulignent les activités cérémonielles des grands ancêtres dans ces lieux arides. Elles dessinent l’image complexe du paysage physique et moral, qui abrite encore la religion orale composée des chants et des performances qui imprègnent toujours la vie quotidienne de Noli.
Avec leur pinceau, ces grands artistes, dont les œuvres rayonnent dans les plus grands musées du monde, du MET au British Museum, révèlent leurs connaissances rares et précieuses qui résonnent dans leurs peintures. Ils cristallisent leur savoir et le transmettent aux générations à venir. Ils tissent le lien avec le territoire. Leur geste devient le prolongement de la terre, et leurs œuvres des monuments de la mémoire.
Nous nous réjouissons de vous accueillir à la galerie pour cette rentrée.
A bientôt,
Bertrand Estrangin
Founder & Director
Découvrez les peintures disponibles à Bruxelles durant l’exposition :
Cette exposition a été montée en partenariat avec le centre d’art du Spinifex Art Project, afin de vous garantir une provenance éthique, respectueuse des artistes Aborigènes d’Australie.