Exposition d’art Aborigène “Walking - Ananyi” en partenariat avec Kaltjiti Art
A la galerie Aboriginal Signature Estrangin : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles.
Sur RDV du mardi 15 juin au dimanche 11 juillet 2021.
Vernissage sur RDV le mardi 15 juin de 11h à 21h.
Dans le contexte actuel, notre galerie est ouverte et vous reçoit sur RDV du mardi au dimanche, de 11h à 19h.
Nous nous réjouissons de vous accueillir dans le respect des principes recommandés par le Conseil Fédéral et vous invitons à réserver votre visite dans notre agenda ici.
Walking – Ananyi
Nous sommes très honorés d’accueillir à Bruxelles 25 œuvres remarquables réalisées par 16 femmes et deux hommes, tous de grands artistes de la communauté artistique de Kaltjiti. La plupart sont nés dans le bush quand leur peuple était encore en partie nomade, des anciens de 1938, à la plus jeune génération d’artistes de 1997. Aujourd’hui ils vivent dans le grand centre de l’Australie à Fregon, un petit village éloigné de 220 habitants, crée en 1961 et reconnu comme outstation par le gouvernement fédéral autour de la fin des années 1980.
Au sud de leur village la terre est comme fripée par l’enchainement des dunes de sable du grand désert, dominée au nord par le magnifique massif du Mont Woodroffe qui culmine à 1455 m d’altitude. La magnificence du territoire, véritable théâtre géologique et minéral, n’a jamais cessé d’être parcouru par ces marcheurs au fil des millénaires. Leur connaissance intime de ces espaces immenses a toujours été une source d’inspiration pour ce peuple à travers les multitudes de générations.
Tantôt asséchée et oxydée par l’usure des roches sur des millions d’années, la matrice de la terre révèle ses caractéristiques essentielles et signifiantes comme chez les artistes Delma Forbes et Beverley Cameron, dans des combinaisons de rouge, d’orange et de bleu profond. Tantôt bouillonnant d’une vie encouragée par les rares pluies, le paysage se couvre de végétaux aux cycles rapides, traduits par d’extraordinaires compositions impressionnistes comme chez les artistes Kathy Maringka (1954), Rita Roley (1968) et Tjangili Georges (1950). Leur langage pictural intuitif effleure la surface du territoire illuminé par ces végétaux endémiques dans le territoire traditionnel et confine à l’abstraction.
Leur terre est habitée, vénérée, respectée, depuis les origines par les grands ancêtres et leurs descendants qui continuent de la parcourir pas à pas aujourd’hui et de transmettre la mémoire primordiale, par l’entremise de leurs œuvres.
Avec une subtilité intrigante chez Matjangka Norris (1956), nous la suivons dans un univers mystérieux sur ses toiles entre les graines collectées sur terre et les constellations, aussi fascinant que ses danses cérémonielles, ou ses performances théâtrales remarquables autour de l’esprit Mamu dans les musées Australiens, le torse peint évoluant avec humour dans un nuage de poussière d’ocre blanc, qui effraie les jeunes enfants.
Avec un rayonnement, tel un feu d’artifice, dans les prestigieuses œuvres collaboratives féminines, et chez les grands initiés Taylor Cooper (1940) et Witjiti George (1938). Ils orchestrent le big bang des instants de la Création, sans cesse renouvelés, fertilisés et enrichis, dans leurs peintures individuelles et communautaires, comme dans une partition musicale du temps, chanté par ce peuple des hommes qui marchent, inventeurs de cette immense île continent.
Les œuvres grandioses de ces artistes nous enchantent, accrochées aux cimaises et/ou dans les collections des prestigieuses institutions suivantes : Museum of New South Wales (Sydney), Fondation Opale (Crans Montana), Museum of Ballarat (Australie), Margaret Levi and Robert Kaplan (Seattle, USA), National Gallery of Victoria (Melbourne), South Australia Museum (Adelaïde), Artbank collection (Australia), Harriett & Richard England Collection (Sydney), Laverty Collection (Australia), Flinders Universty (Australie), Christian Louboutin Collection (France),
Walking : les Hommes qui marchent
Depuis les origines, le mouvement de la marche occupe le corps et libère la pensée. Les Aborigènes n’ont jamais cessé de chanter le chemin. C’est avec la marche que la pensée prend forme. Ils égrènent au fil des kilomètres l’histoire qui s’accomplit et dessine encore une fois la route. Leur pensée est le territoire, le territoire est leur pensée, dans une sorte de symbiose parfaite et d’un enfantement croisé que l’on retrouve dans les œuvres remarquables qui touchent aux Temps du Rêve, comme chez les artistes femmes Carol Stevens (1978), Imitjala Curley (1953), Beverley Cameron (1957), Manyitjanu Lennon (1940), Carolanne Ken (1971), Madeline Curley (1976)…
Les pistes chantées ou songlines, tangibles dans les peintures, constituent l’imagerie du chemin, offrant un véritable passeport de survie à travers le désert, qui ouvrent sur le monde et invitent dans ces immenses espaces avec confiance.
Walking : les Hommes qui rêvent
La marche est conçue comme une épopée qui réveille et honore les ancêtres créateurs sous-jacents dans les profondeurs de la terre. La légèreté de leurs pas est pondérée par la densité signifiante des lieux, où l’on s’annonce avec respect pour ne point heurter les esprits qui y résident. Les grandes montagnes forment les squelettes d’immenses géants de la Création. Les minuscules trous d’eau cruciaux, traversent la surface et font communiquer deux mondes comme chez les grands artistes Taylor Cooper (1940) et Witjiti George (1938).
En marchant, ces hommes et ces femmes accomplissent le Rêve, et donne vie à l’histoire des ancêtres. Leurs pas conjuguent passé, présent et futur au sein d’un théâtre grandiose où s’épanchent les générations.
Au fil du chemin se réalise à nouveau l’histoire. Ils suivent la trace et font corps avec la mémoire.
Walking : les Hommes qui bâtissent
Dans ces immensités, la première image qui apparaît est celle d’une terre intacte, sauvage, préservée, où l’impact des hommes est absent, suscitant la jubilation d’un inventeur confronté à l’inconnu.
Puis en rencontrant ce peuple on perçoit l’empreinte humaine, de façon ténue puis de plus en plus marquée. Les Aborigènes d’Australie sont les architectes du paysage. Ici ils ont modéré la prédominance de certains végétaux. Là ils ont importé quelques graines dans un lieu propice, dans une pensée symbiotique et respectueuse, orientée sur la co-existence et le temps extrêmement long.
Leur marche s’est gaussée des barrières posées par 250 langues, et de plus de 900 dialectes, pour dessiner ensemble l’immense structure d’une carte mémorielle qui embrasse toute l’Australie ancienne, comme appréhendé en partie dans leurs grandes œuvres collaboratives où dialoguent les talents dans un concert du savoir porté par chaque artiste.
Architecte du vivant, en plaçant leurs empreintes dans les pas des ancêtres créateurs, ils ont relié la matière à la pensée pour co-inventer le territoire. Le tissage des pistes constituent un monument de la pensée invisible et tangible à la fois, par les stigmates laissés par les grands ancêtres dans la pierre, inventeurs et premiers cartographes du monde.
Walking : les Hommes qui contestent
Si le monde moderne a idéalisé aujourd’hui le nomadisme et leur sagesse, ce ne fut pas toujours le cas hier. A tel point que le mot magnifique de « nomade » reste extrêmement sensible et offensant dans certaines cultures, tant les droits de ces peuples ont été bafoués, déniés, avec l’idée erronée qu’ils ne faisaient que passer et ne « produisaient » guère sur ces terres.
La marche s’affirme comme une fierté qui laisse son empreinte visible, dans la continuité ancestrale d’une occupation physique et culturelle d’un territoire. Aujourd’hui, elle a permis à ce peuple fier de récupérer des territoires immenses. Les contestations juridiques arbitrées par la loi australienne du Native Act Title, ont permis de restituer aux Aborigènes d’Australie une superficie comparable à 50 fois la taille de la Belgique, ce qui est exemplaire dans l’histoire moderne. Leurs empreintes et leurs marches deviennent ainsi des outils politiques, cristallisés dans leurs peintures, comme un vecteur de légitimité d’un peuple nomade fier qui construit son futur.
Nous nous réjouissons de vous accueillir au sein de la galerie à Bruxelles, dans notre espace de 250 m2 tout entier dédié à ces grands et petits trésors du bout du monde.
Cette exposition exceptionnelle a été montée en partenariat avec la communauté et le centre d’art de Kaltjiti, à 35 heures d’avion de Bruxelles, dans le APY land en Australie, que je tiens particulièrement ici à remercier.
A bientôt,
Bertrand Estrangin