Exposition d’art Aborigène “Tribute to Our Elders” - Aboriginal art from Australia
En association avec les artistes du centre d’art d’Ernabella.
A la galerie Aboriginal Signature Estrangin : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles.
Vernissage sur RDV le mardi 18 juin de 11h30 à 21h30.
A 20h - discours du directeur de la galerie et drink.
RSVP - réserver votre visite
Ensuite la galerie vous reçoit sur RDV, du mercredi 17 juin au vendredi 12 juillet 2024, du mardi au samedi, de 11h à 19h : vous pouvez également réserver votre visite dés à présent dans notre agenda ici.
“tribute to our elders”
La galerie Aboriginal Signature est ravie de vous inviter à découvrir l’exposition exceptionnelle «Tribute to Our Elders». Cette collection unique réunit 27 peintures sur toile et 20 céramiques peintes et gravées, créées par 23 artistes femmes et un homme, tous membres de la communauté artistique Anangu d’Ernabella, Australie. Sélectionnées après notre périple en 2023, ces œuvres sont une véritable célébration de l’héritage et de la culture ancestrale aborigène.
Les artistes nés entre 1950 et 1980 nous emmènent sur les traces des ancêtres créateurs.
Avec les œuvres de Carlene Thompson, nous suivons le chemin de l'oiseau Emeu, créateur des vastes territoires aux origines. Atipalku Intjalki, Yanyi Dunn, et Makinti Minutjukur nous dévoilent les secrets des trous d’eau sacrés dans les paysages arides. Tjunkaya Tapaya et Amy Scotty nous font vivre les pistes chantées des Seven Sisters, traversant les régions centrales de l’Australie rouge. Freddy Ken nous entraîne dans une chasse spectaculaire, ses longues lances presque incandescentes prenant vie sur la toile, avec ce geste ample du pinceau comme avec un propulseur.
Avec Tjulyata Kulyuru, nous découvrons les vibrations de l’eau des nappes phréatiques du désert, créant un effet cinétique éblouissant. Lynette et Langaliki Lewis, accompagnées de Yurpiya Lionel, nous montrent les crêtes des dunes de sable dessinées par les chenilles ancestrales et habitées par les succulents makus, larves grignotant le bois tendre des rares arbres.
Mukayi Baker et Janet Tjitayi nous mènent à Piltati, un lieu emblématique où les esprits des deux frères et deux sœurs ancestraux se transforment en serpents Wanampi. Enfin, avec Janice Stanley nous nous envolons tel un oiseau lointain, pour embrasser les nuances poétiques infinis des grands lacs salés du désert.
Tous ces lieux, toutes ces histoires résonnent de la présence des esprits et des anciens, de leurs grands-parents proches souvent artistes eux-mêmes, mais également de toute leurs lignées depuis les origines, à qui ils rendent hommage en perpétuant la mémoire, en enseignant la culture, importante poutre faîtière de leur très ancienne et grande civilisation.
Immersion avec les artistes
Le 11 juillet 2023, j’arrive à Pukatja, un lieu emblématique lié aux racines de l’art Aborigène d’Australie contemporain. En 1948, des religieux y établissent une mission et invitent les femmes à réaliser des broderies sur les plantes et symboles liés à leur culture. Le centre d’art d’Ernabella se met en place, ce qui le positionne parmi les plus anciens d’Australie.
Puis les hommes décident à leur tour de participer à ce mouvement artistique et conviennent avec leurs épouses de révéler dans leurs peintures les histoires jusqu’ici secrètes, du Tjukurpa ou Temps de la Création.
Un four pour céramique rejoint bientôt les artistes pour élargir le champ des créations. Sur un nouveau support en cohérence avec leurs plus anciennes traditions, les artistes peuvent y modeler la terre, y dessiner leurs histoires, y graver des signes, qu’ils cristallisent pour l’éternité après cuisson dans de magnifiques vases et coupes.
Depuis 81 années, leurs broderies, peintures et céramiques, rayonnent dans les collections des musées et portent leurs histoires comme des enseignements et messages pour les générations futures.
La journée d’aujourd’hui sera incroyablement marquante
Nous partons en bush trip avec six artistes femmes sur les dunes rouges à 1h de pistes en 4x4, vers le lieu de Womikata. Nous allons préparer le feu pour le lunch et cuisiner des queues grillées de Kangourous sur la braise, avec des patates douces.
Le lieu est sublime, avec une vue sur deux vallées en haut de la crête de la dune de sable rouge. Le lieu prisé depuis fort longtemps comme en attestent les silex taillés disséminés un peu tout autour avec quelques restes de meules cassées et polies. La cuisson est très lente, étape par étape pour carboniser les poils et réduire l’épaisseur de la peau.
Tout le monde s’active pour préparer ce plat. Collecte du bois. Réduction en petits morceaux. Confection d’un lit de braise. Ajustements savants des 5 queue de Kangourous avec les patates tout autour pour garantir une cuisson équilibrée. Puis on recouvre l’ensemble de braises et de sable chaud en attendant une bonne heure.
Ce geste ancestral renouvelés depuis des lustres s’accomplit dans une sorte de concert collaboratif entre ces 5 femmes.
Je tente de donner un coup de main, en apportant les allumettes, en creusant le trou pour le feu, en collectant le bois, et en retirant les aliments des braises avec ma pelle en métal.
Yani Dunn, une artiste me demande de l’aider pour deux petites blessures. J’apporte ma pharmacie de campagne, avec pansements et alcool pour désinfecter.
Puis nous passons à table. J’ai droit à un tout petit morceau, juste le bas de la queue. Sans doute pour éviter que je le gâche si je n’aime pas.
Je retire les poils et la peau qui se détachent tout seul. L’odeur est intense et musquée. En dessous on distingue quelques morceaux de chair tendrement cuits, et beaucoup de gélatine, tendons et cartilages. J’attaque avec mes mains et grignote le tout jusqu’à l’os. Finalement c’est un peu comme un pied de cochon en beaucoup plus savoureux et complexe au niveau des senteurs d’ailleurs.
Elles me demandent d’où je viens. Je raconte une part de mon histoire. C’est ensuite à leur tour de m’expliquer les lieux tout autour et les noms des collines perlées de pierres arrondies ocres sur un fond intense de ciel bleu.
Le soleil tombe bientôt. Et le froid va s’installer. Nous plions bagage.
Sur le chemin du retour nous nous arrêtons près d’un rockhole. Les trois femmes dans ma voiture, évoquent les lieux clefs que nous traversons avec ici dans le creux une magnifique piscine naturelle pour les enfants, là des figuiers sauvages avec du Mikulpa (tabac sauvage rare et très recherché) qui pousse en dessous.
Arrivée à la communauté je joue le rôle de taxi pour raccompagner une partie de ces dames chez elles derrière l’école.
Durant cette journée, des découvertes furent marquantes comme celle de nouveaux talents sur céramique ou en peinture au centre d’art d’Ernabella, un des plus anciens d’Australie, mis en place par des missionnaires en 1948.
Depuis toujours son approche éthique est exemplaire, respectueuse des artistes et de la culture avec une équipe remarquable constituée d’une manager, de deux studio managers, d’un céramique studio manager, au service des artistes et des familles.
Des instants magiques qui reconnectent aux lieux, aux valeurs essentielles de partage, à une approche collective et plus participative du monde.
Bertrand Estrangin
Directeur