Exposition d’art Aborigène “KUWARI : “the present” en partenariat avec Mimili Maku
A la galerie Aboriginal Signature Estrangin : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles.
Sur RDV du mardi 14 septembre au samedi 16 octobre 2021.
Vernissage sur RDV le mardi 14 septembre de 11h à 21h.
Dans le contexte actuel, notre galerie est ouverte et vous reçoit sur RDV du mardi au dimanche, de 11h à 19h.
Nous nous réjouissons de vous accueillir dans le respect des principes recommandés par le Conseil Fédéral et vous invitons à réserver votre visite dans notre agenda ici.
KUWARI : THE PRESENT
Nous sommes très honorés d’accueillir à Bruxelles 25 œuvres remarquables réalisées par 8 artistes Anangu d’Australie (7 femmes et un homme), tous de grands peintres à la fois émergents et confirmés de la communauté artistique de Mimili Maku. Les plus anciens comme Tuppy Goodwin (1952) et Judy Martin (1963) sont nées dans le bush près des lieux traditionnels. Les plus jeunes sont nés dans des petits villages disséminés dans le désert près des lieux cérémoniel du APY land, un immense territoire vaste comme trois fois la Belgique. Aujourd’hui ils vivent à Mimili, dans le grand centre de l’Australie, un petit village éloigné de près de 300 habitants, habité par les Pitjantjatjara et les Yankunytjatjara installés dans la région depuis des millénaires en harmonie avec la nature et agissant en tant que gardiens de la terre et des Tjukurpa (histoires de création). Mimili était autrefois connu sous le nom d'Everard Park, station d’élevage qui a été rendue à la propriété autochtone par l'AP Lands Act de 1981. La communauté Mimili a été constituée quant à elle en communauté autochtone en 1975.
Avec les femmes peintres, nous avons choisi le magnifique mot de « Kuwari » dans leur langue, comme titre de l’exposition, comme un symbole d’une rencontre unique dédiée à la collaboration de différentes générations d'artistes et de membres de la famille, réunissant différents langages visuels et histoires, des anciens aux plus jeunes. Kuwari signifie « Le Présent » et a un sens très particulier dans la langue rare Pitjantjatjara, parlée par près de 3000 locuteurs.
Pour Anna Wattler, manager du centre d’art de Mimili Maku, « cette exposition est un instantané d'un moment collectif dans le temps, créée grâce à l’aide des Aînés qui ont travaillé à travers le temps sans relâche pour établir un centre d'art solide où le leadership Anangu et l'instruction du Tjukurpa (Temps du Rêve) à la prochaine génération sont au cœur de chaque journée. Chaque toile de cette exposition en Europe célèbre ce moment unique, le kuwari (le présent), dans le mouvement collectif de l'art APY. Travaillant ensemble dans l'espace du studio commun, les pratiques des artistes présentés à Bruxelles se sont développées les unes à côté des autres depuis la fondation du centre d'art ».
Les œuvres sont l'expression des histoires collectives ancestrales sublimées par leurs expressions artistiques individuelles. « Des jeunes artistes comme Emma Singer et Josina Pumani ont appris de leurs mères et de leurs tantes en peignant à leurs côtés et créent leurs propres représentations visuelles des connaissances anciennes qui leur ont été transmises par leurs aînés », dans un fil de transmission ininterrompu depuis les origines.
Les œuvres grandioses de ces peintres du désert nous enchantent, et participent à l’écriture de l’histoire de l’art contemporain sans frontière, accrochées aux cimaises des collections des prestigieuses institutions suivantes : Artbank collection (Australia), Art Gallery of New South Wales, Art Gallery of South Australia, Banyule City Council, Fondation Opale, National Gallery of Australia, National Gallery of Victoria, Parliament House Collection, Wesfarmers Arts.
Leurs peintures et photographies ou sculptures sont également sélectionnées lors de nombreux awards comme le Wynne Prize à la Art Gallery of New South Wales de Sydney, le NATSIAA- MAGNT au musée de Darwin, ou lors de la National Indigenous Art Triennial à la National Gallery of Australia.
Cette année, les œuvres des artistes Tuppy Goodwin, Robert Fielding, Judy Martin, furent également présentées en France au Musée des Beaux Arts de Rennes, et au musée de l’Abbaye de Graville au Havre, dans le cadre de l’exposition Kulata Tjuta.
KUWARI : Le présent éternel
Pour les artistes Pitjantjatjara et Yankunytjatjara, les histoires du Temps du Rêve ne se contentent pas de conter le passé, ni de cristalliser sur une toile l’époque de la Création. Au contraire, avec le Rêve ils se projettent en avant, embrassent le présent comme un tremplin vers le futur, dans une dynamique ininterrompue de transmission des connaissances au fil des générations, en assurant la vitalité du savoir maintenant et pour l’avenir.
L’artiste Marina Pumani Brown (1984) ajoute ainsi : « Alors que ma mère peint strictement Antara, un site cérémoniel sacré proche de Mimili, faisant partie intégrante de l'existence de la culture Anangu depuis la nuit des temps. J'ai élargi ma pratique pour inclure d'autres connaissances qui sont importantes pour moi. Ce savoir parle de traditions qui font partie intégrante de notre vie quotidienne ici à Mimili, des traditions éternellement anciennes mais toujours présentes ».
KUWARI : Le présent sacré
Pour les Aborigènes d’Australie, la terre est bien souvent sacrée et célébrée avec révérence dans leurs œuvres d’art. Leur territoire vaste, immense et codifié, reste peu accessible à ceux qui n’y sont pas invités. Certains espaces dans cette nature préservée sont abordés avec le même respect que des lieux de culte fondamentaux. Ils sont vénérés, et réservés aux hommes et femmes connectés et initiés. Avancer dans leur désert semi-aride n’est pas neutre. C'est presque comme entrer et marcher pas à pas au cœur de la nef d’un édifice religieux, dans une dynamique spirituelle, en accomplissant les rituels associés aux ancêtres créateurs, en chantant pour s'annoncer avec humilité. Dans le territoire des Pitjantjatjara et Yankunytjatjara, le présent est bien souvent dédié à ces cérémonies et au sacré, avec le partage de la culture comme clef de voute de la société.
Dans ses œuvres « Terre Sacrée » présentées à Bruxelles, l’artiste Robert Fielding (1969) souligne : “Notre culture Anangu a de nombreux niveaux de secret. Toutes les connaissances ne doivent pas être détenues par chaque membre de notre communauté, ainsi certaines connaissances ne sont détenues que par quelques-uns. Ces peintures sont également habitées de beaucoup de secret, de choses que nous partageons et de choses que nous choisissons de ne pas partager. Certaines vérités sont si fortes et importantes qu'elles brillent à travers les voiles et les systèmes complexes des pistes chantées sacrées. Ce sont les fondements de notre culture, cela souligne le caractère sacré de notre terre et la profondeur de nos connaissances ».
KUWARI : Le présent mémoire
Comme l’analysait si finement Augustin d'Hippone (Ve siècle), « le présent du passé, c'est la mémoire ».
Les Aborigènes d’Australie sont des héros de cette mémoire, des gardiens séculaires de l’histoire, des passeurs du patrimoine individuel et collectif en se jouant du temps avec la soif de continuer à être en ces lieux clefs de leur culture.
Judy Martin (1963) souligne : « je suis gardienne des terres autour de Wakura. Elle se concentre sur les importantes sources d'eau de la région, qui sont gardées et entretenues par la famille de mon père depuis la nuit des temps. Dans mes œuvres je représente les cartographies de kapi tjukula parmi les puli (chaînes de montagnes) et les tali (collines de sable) de Wakura. »
De son côté l’artiste Emma Singer (1986), la plus jeune de l’exposition, travaille aux côtés de sa mère Pauline Wangin, et a collaboré avec elle sur plusieurs tableaux. « À travers le langage visuel transmis de génération en génération, j’explore ma connexion au manta (pays) et au Tjukurpa (ce pouvoir de transformation continu, éternel et vivifiant qui représente chaque aspect de l'existence) ».
KUWARI : Le présent habité
Peindre une immense toile ou une plus petite, c’est habiter l’œuvre chez les Aborigènes d’Australie. Peindre consiste à honorer, célébrer l’histoire. Ils vivent également sur la toile, s’y assoient, y prennent une collation, laissent sécher la peinture, reprennent le travail. Bien souvent en peignant, les artistes chantent et racontent tant ils ont à dire et soif de transmettre.
L’artiste senior Tuppy Goodwin (1952), présidente du centre d’art évoque avec enthousiasme : « Quand je peins, c'est comme l’inma (nos danses et chants de cérémonie). C'est Antara, un lieu sacré pour Anangu, et le Maku Tjukurpa (histoire de la sorcellerie). Il y a un trou rocheux spécial à Antara où les femmes exécutent l'inma - "inmaku pakani" - et ensuite il y a assez de maku pour nourrir tout le monde. Antara et Maku Tjukurpa sont vraiment importants pour les femmes Mimili, nous peignons ce lieu et ses histoires, en les gardant fortes pour l’avenir ».
A bientôt,
Bertrand Estrangin