Exposition d’art Aborigène “The Sovereigns of the Memory” - Aboriginal art from Australia
En partenariat avec les artistes du centre d’art du Spinifex Art Project
A la galerie Aboriginal Signature Estrangin : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles.
Vernissage sur RDV le mardi 22 octobre de 14h à 21h30.
A 20h - discours du directeur de la galerie et drink.
RSVP - réserver votre visite
Ensuite la galerie vous reçoit sur RDV, du mercredi 22 octobre au samedi 16 novembre 2024, du mardi au samedi, de 11h à 19h : vous pouvez réserver votre visite dés à présent dans notre agenda ici.
“The Sovereigns of the memory”
Nous avons le plaisir de vous convier à l'exposition exceptionnelle "The Sovereigns of the Memory", en partenariat avec le Spinifex Art Project. Plongez dans l'univers vibrant des artistes de Tjtuntjunjara, véritables souverains de la mémoire sur leur terre, qui nous rappellent l'importance vitale de la transmission et de la culture aborigène.
"The Sovereigns of the Memory" est une ode à l'autorité de ces artistes, porteurs de savoirs, de lois et de traditions ancestrales. Leur rôle en tant que gardiens de la mémoire et de la culture est essentiel pour assurer la transmission de cette richesse à l’avenir.
Cette exposition célèbre les liens profonds entre ces artistes, hommes et femmes, et leur territoire, souvent plus vaste que plusieurs pays d'Europe. Leur art va bien au-delà de la simple création : ils sont, hommes et femmes, les gardiens d'une mémoire collective, des princes sur des paysages chargés de signification.
Leurs œuvres font partie des collections du British Museum, où l’artiste Simon Hogan né en 1930 fut reçu par Sa Majesté Charles, soulignant l'importance de leur héritage.
Grâce à la loi sur le Native Title, les artistes de Tjtuntjunjara ont récupéré une partie de leurs terres, un symbole fort de leur continuité culturelle ininterrompue.
Les 18 artistes né(e)s entre 1930 et 1980 ont réalisé 45 œuvres pour cette exposition à Bruxelles, que j’allais sélectionner dans leur Grand Désert du Victoria en Juillet 2013. Ces peintures remarquables présentées à Koekelberg évoquent une mémoire ancienne et un engagement profond à préserver cette richesse pour les générations futures.
Juillet 2023 : sur la route des anciens océans
La journée commence avec des paysages que seuls les plus vastes déserts peuvent offrir. Je roule depuis l’aube sur une mer pétrifiée, jonchée de milliers de boules de pierre, les restes fossilisés d’un océan disparu. Les stromatolithes, ces mystérieuses compositions de pierre sphériques avec des bactéries primitives, ont autrefois peuplé les fonds de cet océan avant que les eaux ne se retirent, laissant place à l’étendue aride du grand désert du Victoria. Le moindre freinage brusque pourrait transformer cette piste en véritable patinoire pour mon 4x4. Ici, mieux vaut anticiper chaque mouvement, chaque virage.
Le fuseau horaire a changé : me voilà à l’heure de Perth, avec une heure trente de décalage sur le centre du pays. Le ciel s’assombrit tôt ici, et à 17h30, il est déjà d’un noir d’encre. Pas un bruit. Pas une lumière à l’horizon. Seulement le désert qui s’étend à perte de vue sous une voûte céleste constellée d’étoiles.
Ce matin, j’ai quitté la maison à 6h, accompagné par les dingos qui rôdent dans les environs. Ils sont devenus des habitués de ces terres, discrets mais omniprésents. La douche à l'extérieur a été une épreuve en soi : l'air était glacé, et avec seulement 3 degrés, chaque goutte d'eau semblait me figer sur place. Mon corps a mis du temps à se réchauffer, tremblant longtemps après que mes mains se soient enfin dégourdies au-dessus des flammes du feu de bois.
Le diesel : la ressource la plus précieuse
Ici, le carburant est une denrée rare et précieuse. Le diesel se négocie presque comme de l’or. Dans cette région reculée, où les pompes à essence sont aussi rares que les arbres, le prix est à plus de 3,65 dollars le litre. Peu importe si le réservoir est à moitié plein, chaque goutte compte. On ne peut jamais être trop prudent, car chaque arrêt pour remplir son réservoir est un pas de plus vers la survie et le chemin de retour. Ce matin, à la seul pompe égarée dans le désert à la Ilkurlka Roadhouse, j’ai fait le plein à ras bord, quitte à rajouter quelques litres de plus pour être sûr de ne jamais tomber à sec en plein désert. Cet endroit est habité par homme toute l’année, souvent seul, et il accueille juste quelques centaines de visiteurs par an, qui tentent l’aventure de traverser l’Australie d’Est en Ouest par la Anne Beadell Highway, qui n’a rien d’une autoroute, mais résiste aux éléments sous la forme d’une piste de sable par moment chaotique.
Dans le magasin de la station d’essence, mes deux livres sur le Spinifex Art Project publiés à Bruxelles sont en vente, accompagnés d'un grand panneau explicatif. Ils rencontrent un succès inattendu ici, loin de l’Europe. Cela me réchauffe le cœur, d’autant plus que j’ai récemment ressenti une certaine désaffection de la part des librairies belges. Une nouvel ouvrage est en préparation avec les artistes du Spinifex Art Project pour célébrer ces expositions inoubliables d’un peuple installé en ces lieux depuis plus de 25 000 ans.
24 juillet 2023 – Rencontre avec les sentinelles du désert
Aujourd’hui, c’est au tour des Rangers de prendre la route. Ces hommes et femmes veillent sur ce territoire immense et sauvage, avec un sens du devoir qui force l’admiration. À l’abri des regards, ils patrouillent pour s’assurer que la nature reste maîtresse de ces lieux. Phil, inquiet de possibles collisions sur les dunes, me conseille de partir tôt pour éviter de croiser les Rangers roulant en sens inverse. Une route privatisée pour moi seul, l’espace de ma traversé de 300 km sur une partie de la journée, avant que ces gardiens ne reprennent leur chemin en début d’après-midi.
Je suis fasciné par cette organisation minutieuse dans un environnement si hostile. Se mettre d'accord sur le sens de la piste par téléphone satellite avant de s’y aventurer est presque surréaliste, mais ici, c'est une question de survie. Nous ne sommes que quelques âmes à arpenter ces pistes. Il ne faudrait pas se heurter en gravissant en sens inverses ces 365 dunes de sable de 10 m de haut.
La rareté de l’eau
Le thermomètre n’affichera pas plus de 17 degrés aujourd’hui, ce qui semble presque clément pour cette période de l’année. Pourtant, le froid est mordant la nuit, surtout lorsque le vent se lève et balaie les plaines. Je continue d’inspecter les containers à eau de pluie installés à intervalles réguliers d'environ 50 km. Ces réservoirs sont vitaux pour quiconque s’aventure aussi loin. Sans eux, l’épuisement ou la déshydratation guettent, car sans eau, il ne faut guère plus d’une journée avant de s’éteindre. Certains des réservoirs fonctionnent bien, d’autres ont été endommagés par des chameaux sauvages, leurs mâchoires massives tentant en vain de déplacer les lourds contenants de plusieurs tonnes.
L’accueil des rangers vers Tjuntjuntjara
À 40 kilomètres de Tjuntjuntjara, je croise enfin ces deux voitures de Rangers. Un senior et deux jeunes aborigènes de 20 à 30 ans, employés par l'État pour veiller sur ce territoire immense. Leurs visages sont marqués par le soleil et le vent, et leur accueil est chaleureux. C’est mon unique rencontre de la journée. Ils me conseillent quelques endroits pour camper la nuit. Cela les étonne un peu que je sois seul dans un endroit si reculé, mais ils ne me dissuadent pas, respectant mon besoin de solitude dans ces contrées désertiques. « Installez-vous où vous voulez », me dit l’un d’eux, dans un élan de bienveillance. Je ressens alors un immense soulagement, après avoir passé l’après-midi à redouter de me retrouver au mauvais endroit, dans un lieu sacré où je pourrais ne pas avoir ma place.
25 juillet 2023 – Le silence d’or de la nuit
Je prends une route latérale qui longe un lac salé avant de trouver une petite percée entre deux dunes pour installer mon camp. Le soleil couchant teinte le paysage d’une lumière dorée. Je m’aventure hors du 4x4 pour ramasser du bois de Mulga, ces arbres résistants qui offrent une chaleur longue et précieuse une fois réduits en braises. Un tronc lourd s’écrase par inadvertance sur mon pied et me rappelle la dureté du terrain. Heureusement, le Voltaren que j’ai emporté devrait m’éviter une grosse ecchymose.
La lune s’élève lentement dans un ciel pourpre. Le désert s'endort, et avec lui, les insectes et les oiseaux. Un silence assourdissant s’installe, seulement interrompu par le craquement des branches qui nourrissent mon feu. Les braises du bois de Mulga, bien plus denses que celles du chêne, diffusent une chaleur réconfortante à plusieurs mètres de distance. Les eucalyptus aux écorces blanches se dressent comme des sentinelles à l’horizon, veillant sur mon sommeil. Je m’enroule dans ma deuxième polaire et ajuste mon bonnet avant de m’endormir, seul, au milieu de cet océan de dunes rouges.
Demain, je retrouverai les derniers nomades d’Australie. Une autre étape dans ce voyage hors du temps.
Certains nous ont quitté il y a peu : Lawrence Pennington, Fred Grant, Myrtle Pennington, et nous sommes émus de vous montrer la quintessence de leurs créations artistiques. D’autres résistent et continuent de créer avec une main habile qui a gardé la mémoire tandis que les yeux s’affaiblissent, comme Simon Hogan né en 1930.
D’autres grands artistes manifestent leur maturité, et leur autorité sur ces paysages spirituels comme Lennard Walker, Ned Grant.
Mick, Ian et Noli Rictor continuent de manifester l’intensité des lieux chargés d’histoires de la Création, en tant que derniers nomades d’Australie en 1986, avec Tjaruwa Woods (dec).
Le fil de transmission se poursuit avec force et intensité, chez un peuple ancré en ces lieux depuis la nuit des temps, au moins depuis 25 000 ans, à une échelle peu appréhendable pour un monde plus occidental qui fut si souvent en migration et en mouvement, avec une génération plus jeune qui porte le flambeau, comme les artistes Timo Hogan avec sa connaissance et sa vision du lac Baker, Winmati Roberts avec ses œuvres vibrantes et luminescentes dans la nuit pour renforcer le sacré, et Jessica Veronica Brown avec ses créations remarquables autour des Seven Sisters.
A Bruxelles, venez découvrir comment ces œuvres puissantes nous invitent à réfléchir sur notre propre rapport à la mémoire, à la terre et à la culture. Rejoignez-nous pour une immersion inoubliable dans l'art aborigène et un hommage à ceux qui défendent leur héritage avec fierté et détermination.
Nous avons hâte de vous accueillir et de partager cette expérience unique en Europe avec vous !
À la galerie Aboriginal Signature Estrangin, nous attachons une grande importance à l’approche communautaire solidaire dans nos expositions. En réunissant à chaque fois plusieurs artistes d’une même communauté, nous souhaitons souligner la force de la transmission entre générations, des artistes seniors aux plus jeunes, dans une dynamique de partage du savoir millénaire australien.
Ici dans la capitale de l’Europe, nous vous convions pour célébrer la puissance de ces artistes qui perpétuent une tradition ancestrale tout en la réinventant pour le monde moderne. Les œuvres sélectionnées vibrent d'une énergie connectée, reflétant la beauté préservée de leur territoire, et la résilience de ces peuples premiers, gardiens de la terre.
Bertrand Estrangin
Directeur