Exposition d’art Aborigène “Aluni Résonance” - Aboriginal art from Australia – Spinifex Art Project
A la galerie Aboriginal Signature Estrangin : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles.
Sur RDV du mardi 18 janvier au samedi 19 février 2022.
Vernissage sur RDV le mardi 18 janvier de 11h à 21h30.
Dans le contexte actuel, notre galerie est ouverte et vous reçoit sur RDV du mardi au dimanche, de 11h à 19h.
Nous nous réjouissons de vous accueillir dans le respect des principes recommandés par le Conseil Fédéral (masque et gel à l’entrée) et vous invitons à réserver votre visite dans notre agenda ici.
“Aluni” - Résonance
Nous vous invitons à l’autre bout du monde, dans le grand désert du Victoria au sud de l’Australie, pour une exposition sublime et rare à la galerie Aboriginal Signature, en partenariat avec la communauté artistique du Spinifex Art Project.
L’explosion d’une bombe atomique dans le désert du Grand Victoria en 1950, résonnera à jamais dans la mémoire des artistes Aborigènes du Spinifex présentés à Bruxelles. Cette empreinte sonore assourdissante et effrayante fut leur première confrontation au monde occidental. Un premier contact sous le signe de l’effroi qui bouleversera à la fois leur territoire, les zones désormais inaccessibles, et leurs histoires fondatrices. Avec une résilience à nulle autre pareille, ces hommes et femmes affrontèrent les obstacles sur le chemin de la modernité. Aujourd’hui ils continuent d’inventer leur destin et de porter l’écho de leurs ancêtres au sein de leurs œuvres remarquables.
Résonance et empreinte
En 1986 sur cette terre parmi les plus isolée du globe, des traces de pas repérés près d’un lieu sacré, laissent penser qu’un clan a survécu aux cataclysmes des essais nucléaires britanniques dans ce désert.
Les Aborigènes installés dans la petite communauté de Tjuntjunjara, montent alors une expédition dans le désert pour partir à leur recherche. Ils retrouvent quelques jours plus tard les derniers nomades d’Australie, grâce à leur connaissance des pistes chantées. Les retrouvailles sont émouvantes et résonnent jusqu’ici à Bruxelles avec Ian Rictor (1960), qui deviendra artiste à son tour, à travers un parcours artistique unique, de ces dernières empreintes de pas en 1986 aux cimaises des plus grands musées du monde.
Résonances politiques
Dix ans plus tard en 1997, les Aborigènes Pitjantjara du Spinifex réalisent deux œuvres collaboratives masculine et féminine, pour démontrer la continuité d’occupation de leurs lieux sacrés, sans interruption durant la colonisation. Face aux tribunaux Australiens, dans le cadre de la loi du Native Act Title, ils vont récupérer 76 000 kilomètres carrés de leurs territoires ancestraux dans le grand désert du Victoria.
Ces hommes et ces femmes vont ainsi peindre pour le première fois, non pas pour le monde de l’art, mais pour défendre leurs droits inaliénables et immémoriaux. Ensemble ils vont écrire une nouvelle page de l’histoire de l’art et faire partie des plus grands artistes de cette île continent.
Résonances spirituelles
Dans ce lieu improbable, constitué de 20 maisons en plein centre de ce grand désert, va émerger le mouvement artistique du Spinifex Art Project à la fin des années 90. Tous les artistes nés avant les années 50 et la dernière famille des nomades d’Australie de 1986, ont tous vécu la vie traditionnelle du désert, avec une lecture unique et profonde de la terre.
Le silence est omniprésent sur leur terre minérale, sans âme qui vive, dans le froid mordant du soir et le soleil éclatant du jour. Dans ce dénuement apparent s’éveille le souffle de l’esprit, une présence continue dans chaque lieu traversé, tant ceux-ci ont été vénéré depuis toujours, chantés par les anciens, comme une révérence pour annoncer sa visite. Ils ne sont point de simples rochers, excavations, grottes, chemins, ondulation des dunes… Tous portent un nom depuis les origines. Ils sont l’émanation tangible du sacré, l’incarnation religieuse des premiers pas des ancêtres.
« Le Tjukurpa a été créé par les actions des êtres puissants et magiques qui ont vécu la première vie et l'ont gravé dans le paysage. Ils l'ont fait naturellement, mais plus encore, ils ont vécu l'expérience de vie nécessaire afin de partager la boussole morale fondamentale nécessaire pour enrichir la place d'une personne dans la société ». Pour les artistes comme Ned Grant, son frère Fred Grant, les aînés Simon Hogan et Lawrence Pennington : peindre, c’est créer, représenter le pays Spinifex qui s'est manifesté pour eux par les premiers êtres : ceux qui avaient des pouvoirs métamorphiques de transformation, pas seulement d'eux-mêmes mais de l'environnement dans lequel ils se déplaçaient, dramatisant le voyage des événements avec une doctrine orale qui était ensuite enveloppée de chants et de danses », souligne Brian Hallet, co-manager du centre d’art du Spinifex art project.
Résonances mémorielles
Rencontrer les artistes in situ est un moment de vie unique et essentiel d’une rare intensité bien que nous ne parlions par la même langue. Quelques mots de part et d’autres permettent de faire un premier pas. Mes rencontres avec les artistes Simon Hogan (1930), Lennard Walker (1946), Lawrence Pennington (1934) furent inoubliables. Quand ils peignent, le temps s’arrête. Avec leurs pinceaux et bâtonnets, ils relient avec une délicatesse infinie les lieux spirituels de leur naissance comme entre Lingka et Paltju dans le grand désert du Victoria.
Le mot Peindre prend chez eux un immense P majuscule, tant leur geste concentré, attentionné, consiste en une véritable célébration du territoire et des histoires sacrées de leurs ancêtres, à une époque encore récente où la spiritualité irriguait toute l’humanité.
Sur leurs toiles, à l’aide de tracés et points conjugués, ils offrent une texture et redonnent vie au cycle immuable du Tjukurpa (Temps du Rêve). Je les vois sourire en peignant, comme des moines en méditation. Ils lèvent les yeux et m’aperçoivent, ravis que je regarde leur œuvres avec fascination. Spontanément Simon Hogan m’offrit le cadeau d’expliquer sa peinture. Quelques mots d’anglais comme « water hole », « trees » servirent de charpente à un dialogue de presque 30 mn en Pitjantjatjara. La barrière de la langue était presque infranchissable. Cependant avec ses gestes, tel un danseur, il donnait du corps aux mots essentiels que l’on retrouve dans sept œuvres exceptionnelles exposées à Bruxelles. Son regard perçant et bienveillant portait également ses paroles au-delà des frontières du langage comme lors de sa rencontre il y a quelques années à Londres avec le Prince Charles d’Angleterre au British Museum.
Résonance et immersion
Pour monter cette exposition à Bruxelles, nous avons réalisé plusieurs visites dans ce lieu si éloignée de l’Australie, dont une expédition en 4x4 à travers ce territoire immense protégé et fermé au public. La piste traversait sur 700 km plus de 180 dunes de sable de 10 m de haut, sans possibilité de trouver des ressources en eau ou en carburant. Isolé, bivouaquant dans leur désert si froid la nuit tombé, là où la terre craquelée semble pulvérisée, j’y ressentais la fragilité de la vie, les dimensions plus invisibles de la terre, et les capacités de résistance incroyables de ce peuple à travers les millénaires.
Avec leur pinceau, ces grands artistes, dont les œuvres rayonnent dans les plus grands musées du monde, du MET au British Museum, révèlent leurs connaissances rares et précieuses qui résonnent dans leurs peintures. Ils cristallisent leur savoir et le transmettent aux générations à venir. Ils tissent le lien avec le territoire. Leur geste devient le prolongement de la terre, et leurs œuvres des monuments de la mémoire.
Nous nous réjouissons de vous accueillir à la galerie en ce début d’année.
Bertrand Estrangin
Nous sommes très honorés d’accueillir cette grande exposition à Bruxelles, en partenariat avec le centre d’art du Spinifex Art Project.