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Voyages 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 4

Entrée du centre d'art de Tjala. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Entrée du centre d'art de Tjala. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Durant l'été 2016, la galerie se rendait dans l'outback Australien afin de sélectionner des œuvres et de préparer nos expositions futures en 2017.
A cette occasion, nous avons réalisé un reportage de notre périple, au cœur des territoires Aborigènes non accessibles au public.
Ce fut l'occasion d'appréhender ces paysages, de mieux comprendre la dureté de la vie nomade, de percevoir les enjeux politiques et sociétaux des communautés Aborigènes... Ces éléments forts offrent une fenêtre éclairante pour appréhender avec plus de justesse l'inclassable art Aborigène d'Australie. A travers différents épisodes, nous vous invitons à suivre nos 20 jours dans les Outstations des déserts de l'Outback.

Episode 4

Deuxième nuit à la belle étoile dans le désert Australien. La température a doublé pour friser les 10 degrés.

Je viens de passer deux jours au cœur d'un centre d'art. Les artistes ont entre 45 et 85 ans. Ils viennent presque chaque jour pour créer des merveilles avec énergie et application. Observer leurs gestes, les discussions et interactions entre eux, les individualités, ne cesse de me surprendre. L'étincelle de leur créativité pétille dans leurs yeux. Ils aiment parler de leur travail. Il me faudrait apprendre leur langue pour mieux échanger l'année prochaine.
Certains artistes parmi les âgés sont au top de leur carrière. Quand je pense que nous prenons notre retraite ici.

Entrée de la communauté Aborigène d'Amata. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Entrée de la communauté Aborigène d'Amata. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les jeunes managers du centre d'art sont formidables et totalement dévoués du matin au soir auprès des artistes Aborigènes, du taxi pour aider les plus anciens à se déplacer, au déjeuner, et à l'aide nécessaire pour leur préparer les couleurs avec lesquelles ils souhaitent attaquer la toile..
Ce partenariat et respect mutuel est comme symbiotique. Ce n'est pas toujours le cas. Mais là chapeau bas !

J'étais là le jour de la paie, moment très important chaque semaine pour les artistes.
Et pas toujours facile car comme chez nous il y a ceux qui bossent et les autres. Avec la galerie je suis ravi d'être un acteur qui soutient ces communautés éloignées. Le rôle du centre d'art est essentiel ici dans ces communautés si éloignées.

Artefacts des moments de création des artistes Aborigènes à Tjungu Palya. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Artefacts des moments de création des artistes Aborigènes à Tjungu Palya. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Beaucoup d'artistes étaient absents, occupés par des Sorry Business, période de deuil pour accompagner un proche. Elles peuvent durer jusqu'à un mois. Beaucoup de deuils récents viennent d'affecter les communautés du APY land.
Leurs nouveaux modes d'alimentation se sont pas équilibrés du tout. Cela occasionne beaucoup de maladies. De trois cuillères à soupe de sucre par trimestre sans doute ils sont passés au même régime par jour à peu près. Notre nourriture occidentale, industrielle, tue ici à petit feu. Tout comme eux nous le mesurons à peine.

Les buissons de Spinifex dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les buissons de Spinifex dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les paysages sont grandioses. Ce matin ce fut un départ pour la grande aventure, au delà des routes balisées. Elles sont à peine accessibles en 4x4 et réservent bien des surprises. Munis de mon permis et des autorisations des elders Aborigènes pour traverser ce territoire, je ne cesse d'arrêter le véhicule pour contempler ces étendues immenses et presque inviolées. La main de l'homme a été bien douce ici et n'a presque pas modifié les lieux depuis leur création. Des blocs en apesanteur semblent s'effriter comme pulvérisés par des milliards d'années d'érosion.
On me dit que certaines montagnes ici faisaient la taille de l'Himalaya. Elles culminent aujourd'hui à 1100 mètres.

Piste Aborigène vers Uluru : 280 km. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Piste Aborigène vers Uluru : 280 km. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les panneaux indicatifs aux croisements des routes rouges sont constitués de capots de voiture, ou d'un pneu égaré ou de rien du tout. Au petit bonheur la chance. Je me suis perdu pendant 50 km sur une piste avant de faire un point GPS avec le téléphone satellite et de faire demi-tour. Je partais pour 280 km de piste très difficile vers Uluru.
Ce sera une autre étape mais par un chemin plus praticable.
Heureusement que mon 4x4 dispose de deux réservoirs. En théorie il peut faire 1000 km mais en pratique je vois qu'il est bien plus gourmand.

Paysage dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Paysage dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Cet après midi le voyage a failli s'arrêter là. Un dromadaire s'est jeté sur mon véhicule. J'ai freiné de toute mes forces pour l'éviter. Il était immense. La collision aurait été redoutable. Après je ne sentais plus mes jambes.

Paysage avec des arbres carbonisés dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Paysage avec des arbres carbonisés dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Ce soir le feu crépite en écho aux insectes dont le chant ressemble aux grillons. Le lune presque pleine cache la voie lactée. Je suis à des kilomètres d'un endroit habité mais une antenne de 70 m perdue en plein désert offre une connexion data improbable pour vous envoyer ce petit message down under.

Voyages 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 3

Durant l'été 2016, la galerie se rendait dans l'outback Australien afin de sélectionner des œuvres et de préparer nos expositions futures en 2017.
A cette occasion, nous avons réalisé un reportage de notre périple, au cœur des territoires Aborigènes non accessibles au public.
Ce fut l'occasion d'appréhender ces paysages, de mieux comprendre la dureté de la vie nomade, de percevoir les enjeux politiques et sociétaux des communautés Aborigènes... Ces éléments forts offrent une fenêtre éclairante pour appréhender avec plus de justesse l'inclassable art Aborigène d'Australie. A travers différents épisodes, nous vous invitons à suivre nos 20 jours dans les Outstations des déserts de l'Outback.

Episode 3

Notre véhicule 4x4 stoppe brutalement sur la piste. Un autre véhicule a eu moins de chance, avec son pare choc qui est resté au milieu . © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Notre véhicule 4x4 stoppe brutalement sur la piste. Un autre véhicule a eu moins de chance, avec son pare choc qui est resté au milieu . © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Après plusieurs centaines de kilomètres sur les pistes non goudronnées je ne compte plus les épaves sur le bord de la route. Le danger est présent.

Par moment la route s'interrompt pour laisser la place à un bassin d'eau impossible à traverser. Il convient de freiner et de trouver un contournement par les broussailles.

Chaque fois que l'on croise un véhicule sur le bas côté, on s'arrête pour leur demander s'ils n'ont pas besoin d'aide. Cela change de nos habitudes. Aujourd'hui j'ai aidé avec mes outils un couple d'Aborigènes qui venait d'éclater un pneu sur une pierre. Sans matériel et avec le faible passage ils pouvaient patienter encore longtemps. Nous avons eu l'occasion d'échanger un moment ensemble.

Paysages Aborigènes dans le APY land. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Paysages Aborigènes dans le APY land. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Plus je m'enfonce dans ces territoires protégés accessibles avec mes différents permis, plus mon véhicule blanc au départ, se couvre de rouge et se fond dans le paysage.

Je ne fais plus le plein d'essence quand le réservoir est vide mais quand une station se présente enfin. Hier j'ai attendu 1h30 avant que celle-ci n'ouvre après le déjeuner.
La pompe est enfermée dans une cage en métal. Le pompiste vient ouvrir le cadenas puis referme le tout ensuite. Comme dans le centre d'art de Warmun visité il y a deux ans, des artistes Aborigènes du centre d'art de Fregon ont décorré la pompe.

Station d'essence décorée par les artistes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Station d'essence décorée par les artistes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Ce matin je suis allé visiter une grotte Aborigène sacrée avec le propriétaire traditionnel du territoire. J'étais très touché par son invitation. Les photos ne sont pas possibles dans ce lieu. C'était très émouvant, certaines peintures rares datent d'il y a 20 000 ans et évoquent le Temps du Rêve des 7 sœurs. Les blocs rocheux aux alentours portent les stigmates du parcours des 7 sœurs comme autant d'étape de leur voyage initiatique avant de s'évader dans le ciel. Je ne peux manquer de penser aux artistes qui expriment avec talent et délicatesse ce mythe du Temps du Rêve.

Vibration des pots de peinture dans un centre d'art Aborigène. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Vibration des pots de peinture dans un centre d'art Aborigène. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Durant l'après midi je rencontre les artistes du centre d'art de Tjala. Ce sont les artistes parmi les plus importants d'Australie. On me présente chacun. Quelle émotion de retrouver ou rencontrer les artistes comme Ray Ken, Sylvia Ken, Barbara Moore... Ils peignent avec délicatesse tout en étant pour certains d'entre eux assez âgés. Je ressent une certaine fragilité dans ce temps suspendu d'expression et suis admiratif du support apporté par les studio managers des centres d'art.

Ils me dédicacent leur superbe livre sur Tjala. Certains signent avec une écriture mal assurée et juste un prénom. D'autres avec une croix. Je suis très touché. Merci !

Prudence sur les pistes de l'APY land. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Prudence sur les pistes de l'APY land. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art galerie

Voyages 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 2

Durant l'été 2016, la galerie se rendait dans l'outback Australien afin de sélectionner des œuvres et de préparer nos expositions futures en 2017.
A cette occasion, nous avons réalisé un reportage de notre périple, au cœur des territoires Aborigènes non accessibles au public.

Episode 2

Waterhole dans les territoires Aborigènes. © Photo: Aboriginal Signature Estrangin Fine Art

Waterhole dans les territoires Aborigènes. © Photo: Aboriginal Signature Estrangin Fine Art

Première nuit dans les zones désertiques du APY land. Il fait -2•c. J'installe mon swag - spécialité australienne - sous la voûte étoilée. Le paysage est grandiose avec les buissons de Spinifex piquants comme des aiguilles. La nature est silencieuse au bord de ce petit torrent.

Quelques personnes ayant bivouaqué là auparavant, ont laissé des souvenirs. Je les ramasse et les brûle sur le feu pour rendre sa place à la nature.

Un bruit suspect m'alerte après un dîner autour d'un feu pour se réchauffer.
La lampe torche révèle deux yeux brillants sur une colline rocheuse. Après les avoir pris pour des étoiles je vois qu'ils bougent. Une bête m'observe pendant une bonne heure par intermittence. Je rajoute du bois sur le feu. Je suis seul. Elle me semble bien grande. Je suis vaguement rassuré pour la nuit.

Bivouac dans les zones désertiques du APY land. température : - 2°c.

Bivouac dans les zones désertiques du APY land. température : - 2°c.

La rencontre avec les artistes Aborigènes a été merveilleuse hier. Enfin je revois certains peintres Aborigènes dont j'ai défendu le travail ces deux dernières années et qui sont régulièrement primés en Australie et à l'international.

Nous leur montrons une carte avec les distances entre Bruxelles et l'Australie. Cela les impressionne beaucoup surtout quand ils voient leurs peintures dans les expositions. La galerie est située à 16 000 km d'ici, et à plus de 40 h de voyage au moins. Ils mesurent l'éloignement.

Ici des innovations sont en marche. L'artiste Robert Fielding de Mimili Maku, à la fois peintre et photographe, invente une nouvelle forme de dialogue entre ces médias. Il est en train de réaliser un triptyque avec des photos d'arbre de 2m de haut, chacune tirée sur un papier épais : la structure familiale avec le père, la mère et l'enfant, suggéré par la sculpture naturelle des branches. Il utilise un fer à souder pour brûler le papier et appliquer un pointillisme dans l'absence. C'est assez génial. Je suis impatient de montrer cela à la galerie.

Les buissons de Spinifex dans le APY land. © Photo: Aboriginal Signature Estrangin Fine Art

Les buissons de Spinifex dans le APY land. © Photo: Aboriginal Signature Estrangin Fine Art

En montant sur une montagne ce matin, près d'Ernabella, je rencontre à nouveau une ranger avec sa famille en visite. Le lieu est unique. J'y suis arrivé par hasard. Les seuls indications étaient une pancarte pas incitante avec Poison écrit dessus. Pas le parfum, mais sans doute des zones pour tuer les renards qui déciment les petits marsupiaux Wallabies.

Des rockholes retiennent l'eau dans de multiples bassins au fil de la cascade. Les Eucalyptus avec leur tronc blanc, tranchent avec les pierres rouges. Sur 200 mètres de dénivelé, nous parcourons ces différents trous d'eau successifs. C'est magnifique. Une symphonie s'élève dans le ciel, composée par les clapotis de l'eau et les ponctuations stridentes des perroquets blancs.

Ce soir je suis invité chez la art center manager d'Ernabella. Il fait chaud chez eux et de superbes peintures de Papunya Tula sont au mur. Elle a travaillé deux ans là-bas.
Nous parlons art bien entendu, des enjeux de ce mouvement artistique, des artistes sous les feux de la rampe... et j'apprends l'attaque à Nice. Quelle tristesse à nouveau.

Blocs rocheux érodés depuis 500 millions d'années, dans les territoires Aborigènes © Photo: Aboriginal Signature Estrangin Fine Art

Blocs rocheux érodés depuis 500 millions d'années, dans les territoires Aborigènes © Photo: Aboriginal Signature Estrangin Fine Art