Durant l'été 2016, la galerie se rendait dans l'outback Australien afin de sélectionner des œuvres et de préparer nos expositions futures en 2017.
A cette occasion, nous avons réalisé un reportage de notre périple, au cœur des territoires Aborigènes non accessibles au public.
Ce fut l'occasion d'appréhender ces paysages, de mieux comprendre la dureté de la vie nomade, de percevoir les enjeux politiques et sociétaux des communautés Aborigènes... Ces éléments forts offrent une fenêtre éclairante pour appréhender avec plus de justesse l'inclassable art Aborigène d'Australie. A travers différents épisodes, nous vous invitons à suivre nos 20 jours dans les Outstations des déserts de l'Outback.
Episode 3
Après plusieurs centaines de kilomètres sur les pistes non goudronnées je ne compte plus les épaves sur le bord de la route. Le danger est présent.
Par moment la route s'interrompt pour laisser la place à un bassin d'eau impossible à traverser. Il convient de freiner et de trouver un contournement par les broussailles.
Chaque fois que l'on croise un véhicule sur le bas côté, on s'arrête pour leur demander s'ils n'ont pas besoin d'aide. Cela change de nos habitudes. Aujourd'hui j'ai aidé avec mes outils un couple d'Aborigènes qui venait d'éclater un pneu sur une pierre. Sans matériel et avec le faible passage ils pouvaient patienter encore longtemps. Nous avons eu l'occasion d'échanger un moment ensemble.
Plus je m'enfonce dans ces territoires protégés accessibles avec mes différents permis, plus mon véhicule blanc au départ, se couvre de rouge et se fond dans le paysage.
Je ne fais plus le plein d'essence quand le réservoir est vide mais quand une station se présente enfin. Hier j'ai attendu 1h30 avant que celle-ci n'ouvre après le déjeuner.
La pompe est enfermée dans une cage en métal. Le pompiste vient ouvrir le cadenas puis referme le tout ensuite. Comme dans le centre d'art de Warmun visité il y a deux ans, des artistes Aborigènes du centre d'art de Fregon ont décorré la pompe.
Ce matin je suis allé visiter une grotte Aborigène sacrée avec le propriétaire traditionnel du territoire. J'étais très touché par son invitation. Les photos ne sont pas possibles dans ce lieu. C'était très émouvant, certaines peintures rares datent d'il y a 20 000 ans et évoquent le Temps du Rêve des 7 sœurs. Les blocs rocheux aux alentours portent les stigmates du parcours des 7 sœurs comme autant d'étape de leur voyage initiatique avant de s'évader dans le ciel. Je ne peux manquer de penser aux artistes qui expriment avec talent et délicatesse ce mythe du Temps du Rêve.
Durant l'après midi je rencontre les artistes du centre d'art de Tjala. Ce sont les artistes parmi les plus importants d'Australie. On me présente chacun. Quelle émotion de retrouver ou rencontrer les artistes comme Ray Ken, Sylvia Ken, Barbara Moore... Ils peignent avec délicatesse tout en étant pour certains d'entre eux assez âgés. Je ressent une certaine fragilité dans ce temps suspendu d'expression et suis admiratif du support apporté par les studio managers des centres d'art.
Ils me dédicacent leur superbe livre sur Tjala. Certains signent avec une écriture mal assurée et juste un prénom. D'autres avec une croix. Je suis très touché. Merci !