Ian Rictor (1960) peint avec humilité et respect et nous invite dans ses œuvres aux temps du Déluge et de la Création.
Il évoque les sites essentiels du paysage chargés de sens, où certains sont entourés de secret, dont il ne peut alors révéler que les détails superficiels comme pour le site important de Tuwan situé au cœur du pays traditionnel Spinifex.
Avec lui nous partons plus de 18 000 ans en arrière, dans le récit épique du voyage d'un groupe d’oiseaux diamants mandarins qui se dirigent vers le sud pour sauver le monde de la montée des eaux lors du déluge. Les grands ancêtres créateurs utilisent leurs lances pour créer des remparts géants pour retenir la mer en élevant des falaises de pierre grâce à leur pouvoir de transformation, non seulement d'eux-mêmes mais aussi du paysage qu'ils ont déplacé. On retrouve dans les peintures de Ian Rictor les évocations des souvenirs physiques indélébiles des anciens dans un environnement cartographié, enveloppé de chants et de danses pour que tous puissent les suivre encore aujourd’hui.
Avec ses frères Mick et Noli, Ian Rictor fait partie des derniers chasseurs cueilleurs d’Australie. Il est le cadet de la fratrie qui a quitté le nomadisme en 1986. Sa peinture vient d'ailleurs et touche aux origines du monde.
Sur le plan graphique, les formes invitées dans ses œuvres soulignent une sorte de matrice du territoire, symbolisant les butées de terre de 30 cm de haut qui filent à l’infini sur plus de 100 km dans le désert et s’entrecroisent perpendiculairement avec d’autres lignes, comme autant de stigmates des plissures des mouvements telluriques de la terre, à une époque et dans des lieux toujours préservés et peu encombrés par la main de l’homme.
Dans cette exposition à Bruxelles, on perçoit chez l’artiste une évolution remarquable, de cette abstraction quadrillée peinte et toujours utilisée comme élément de navigation dans le désert Australien, à l’apparition de signes glissés aux intersections de la matrice, comme autant d’éléments de lecture des profondeurs de la terre, des ancêtres sous-jacents dans la roche et les trous d’eau cruciaux dans ces lieux arides et sacrés.
Sa peinture des lieux emblématiques devient alors comme une livre généreux à ciel ouvert, qui révèle un langage des signes et symboles parmi les plus anciens, à l’instar des compositions gravés sur les tablettes cunéiformes à la naissance de l’écriture.
Ian Rictor, grand sage et maître du savoir, connaît intimement tous ces endroits traversés et habités par son clan. Ils nous les révèlent en partie ici avec majesté, pudeur et modestie, dans un geste graphique signifiant porteur de la plus ancienne mémoire du monde.
Vous pouvez retrouver les œuvres de l’artiste dans les prestigieuses collections publiques suivantes :
Museum Fünf Kontinente, Munich, Germany
Collection Prince Stefan Of Liechtenstein, Embassy Of Liechtenstein In Germany. (Mens Collaborate)
National Gallery Of Australia, Canberra, Act (Mens Collaborative)
Sammlung Alison Und Peter W. Klein, Nussdorf, Germany
Sammlung Peter Döhle Schiffahrts-Kg, Hamburg, Germany
Seattle Art Museum, Seattle, USA. (Mens Collaborative)
The Aboriginal Art Museum, Utrecht
The British Museum, London. (Mens Collaborative)
Art Gallery Of South Australia, Adelaide, South Australia (Mens Collaborative)
The Corrigan Collection, Australia (Mens Collaborative)
W. & V. Mcgeoch Collection, Melbourne, Vic. (Mens Collaborative)
Wagner And Owen Collection, USA.
Collection Voituron, Belgique
Vous pouvez retrouver les œuvres disponibles exposées à Bruxelles ici :
https://www.aboriginalsignature.com/the-rictor-family-last-nomad-of-australia-spinifex
L’exposition - The Rictor family - the Last nomads of Australia - se tient à Bruxelles jusqu’au 14 octobre à la galerie Aboriginal Signature Estrangin.
Détails pratiques et visites sur RDV du mardi au samedi de 11h à 19h : https://www.aboriginalsignature.com/reservation
© Photo de l'artiste with the courtesy of the Spinifex Art Project (Amanda Dent). Photo des œuvres : Aboriginal Signature Estrangin gallery with the courtesy of the artist and the Spinifex Art Project.
Portrait de l'artiste Djambawa Marawili
Djambawa Marawili (1953) est un géant dans l’histoire, à la fois sur le plan politique et artistique en Australie. Il s’affirme avant tout comme un leader politique impressionnant, qui utilise l'art comme un des moyens pour diriger.
Le rôle principal de Djambawa est celui de chef du clan Madarrpa. Il est un gardien du bien-être spirituel de son propre clan et d'autres clans apparentés, et un activiste et administrateur à l'interface entre les non-aborigènes et le peuple Yolŋu (aborigène) du nord-est de la Terre d'Arnhem
En 1988, il a participé à la production de la déclaration de Barunga, qui a conduit le Premier Ministre d’Australie Bob Hawke à promettre un traité ; la Commission royale sur les morts noires en détention ; et la formation de l'ATSIC.
En 1997, en signe de révolte, Djambawa était l'un des anciens de Timber Creek qui a brûlé le plan en 10 points du Premier ministre libéral John Howard.
En 2004, il a coordonné la réclamation auprès de la Cour fédérale sur la mer en lien avec l’exposition Saltwater. Il utilise sa peinture pour montrer les dessins sacrés qui incarnent son droit de parler en tant que partie de la terre et pour expliquer les concepts de propriété Yolŋu des terres sous-marines. L’ensemble de ces démarche soulignées également dans une vidéo contestatrice du Northern Land Council intitulée "Terry Djambawa Marawili - My Native Title", ont permis d’abouti à la décision de la Haute Cour dans l'affaire Blue Mud Bay de 2008 selon laquelle Yolŋu possédait effectivement le terrain entre la ligne des hautes et basses eaux. Ainsi Djambawa s'appuie dans ces engagements politiques, sur le fondement sacré de son peuple pour représenter le pouvoir des Yolŋu et éduquer les étrangers à la justice de la lutte de son peuple pour la reconnaissance.
En 2013, Djambawa a été nommé au Conseil consultatif autochtone du Premier ministre.
Loin des projecteurs de l'activisme, Djambawa doit remplir plusieurs autres rôles de leadership. Les principaux sont : en tant que chef de cérémonie ; en tant qu'administrateur de plusieurs organisations traditionnelles Yolŋu; en tant que chef d'une communauté isolée de 200 personnes; et en tant que père de famille avec trois femmes et de nombreux enfants et petits-enfants.
L'art fait également partie intégrante de chacun de ces rôles. De toute évidence, les desseins sacrés figurent dans une certaine mesure (secrète) dans les innombrables cérémonies de circoncision, d'inhumation, de commémoration et autres qu'il est tenu d'assister ou de diriger. En tant que directeur puis président de l'Association des artistes autochtones du Nord et du Kimberley (ANKAA) à partir de 1997, et président du Buku-Larrnggay Mulka Centre de 1994 à 2000, l'art est au cœur de sa démarche.
En 2004, il a été nommé au conseil d'administration de l'ATSIA du Conseil australien. Il a obtenu une bourse de deux ans du Conseil australien en 2003. Il a été à plusieurs reprises membre du Conseil des terres du Nord.
En 1996, Djambawa a remporté le prix de la meilleure peinture sur écorce du Telstra National Aboriginal and Torres Strait Islander Art Award au Musée de Darwin. Il est représenté dans la plupart des grandes collections institutionnelles australiennes ainsi que dans plusieurs importantes collections publiques et privées à l'étranger.
En 2009, il s'est rendu à la 3e Biennale de Moscou en Russie et y a chanté son installation de peintures sur écorce. Il a également inauguré l'exposition Larrakitj présentant 110 mâts commémoratifs de la collection Kerry Stokes à la Art Gallery of Western Australia en 2009. Cette exposition a été présentée à la Biennale de Sydney en 2010 au MCA.
L'influence artistique de Djambawa depuis le milieu des années 1990 a été monumentale. En plus d'être le pionnier d'une voie et d'une esthétique pour d'autres artistes, il a inspiré une nouvelle génération de "Young Guns" par l'exemple, l'encouragement et le mentorat direct. Toute une génération d'artistes s'est inspirée de son engagement musclé avec sa propre loi pour produire une nouvelle esthétique à la fois visuellement dynamique et spirituellement puissante. Il a plié les compositions formelles et les a moulées sur des représentations fluides de l'eau qu'elles signifiaient. Il a été le principal activiste à secouer les conventions enracinées depuis les années 1950 sur la composition de la peinture pour le monde extérieur. Il a plaidé pour un assouplissement de ces restrictions tant que l'esprit de la loi était respecté. Cela faisait partie de sa propre créativité naturelle et de son instinct pour défier le statu quo de manière responsable. Il a trouvé difficile d'être critiqué par ses aînés pour les avoir encouragés à révéler la loi profondément ancrée au cours de la revendication des droits sur la mer. Il comprenait leurs objections mais estimait qu'une attitude proactive s'imposait. Une jeune génération d'artistes a pris pour acquis les innovations pour lesquelles il s'était battu avec acharnement.
En 2010, Djambawa a reçu une médaille australienne pour ses services aux arts, aux patries et aux droits maritimes. Il a également eu l'honneur d'être nommé juge du Telstra National Aboriginal and Torres Strait Islander Art Award.
Au cours de son ascension vers le leadership dans le monde dominant en tant que chef de file des droits fonciers et maritimes, de l'administration des arts, de la politique de la patrie et de la gouvernance autochtone générale, Djambawa est également devenu de plus en plus important sur le plan cérémoniel. Il occupe maintenant un rang au sein du monde spirituel Yolŋu qui est l'égal de tous. C'est ce rôle de Dalkarra qui est à la base de son leadership et pour lequel il a été préparé depuis l'enfance.
En 2015, il a été invité par Carolyn Christov-Bakagiev à jouer un rôle à la Biennale d'Istanbul. Son art a été montré avec l'art politique séminal Yirrkala et a poussé la critique d’art Bakagiev à déclarer que peut-être cette région fournit le premier art activiste.
En savoir plus :
Retrouver les œuvres disponibles de l’artiste dans l’exposition “Claim the land”.
© Texte & pictures with the courtesy of the artist and Buku Art
Focus sur l'artiste Dhuwarrwarr Marika Banuminy (1945)
C'est un petit peuple face au monde, mais ils sont des géants dans le monde l'art ! Avec un peu moins de 5000 Aborigènes Yolngu dans le grand nord de l'Australie tropicale, leurs œuvres ont néanmoins conquis les plus grands musées du monde, de l'Australie au MET à New York. La mémoire longue de ce peuple me fascine. Ils tutoient au fil des générations les plus grands mythes de l'humanité comme chez l'artiste Dhuwarrwarr Marika Banuminy (1945), première femme à être autorisée à peindre les représentations sacrées.
Son savoir se joue des siècles, traverse les générations d'une des plus anciennes cultures du globe, et ses œuvres graphiques et codifiées nous racontent l'histoire de l'Atlantide Aborigène, avec les chants du grand voyage des sœurs fondatrices Djan’kawu de leur île mythique de Burralku dans la mer d’Arafura qui a aujourd'hui disparu sous l'eau.
Plus récemment elles nous entraîne dans d'autres peintures, au coeur de l'histoire de son peuple vers le XVIe et XVIIe siècle, créant alors des alliances avec les Indonésiens de Makassar et les Anangu du centre de l'Australie, autant d'occasions d'échanges commerciaux autour du métal, des poignards, des boomerangs, magnifiés dans ses œuvres sur écorce.
Le regard perçant de cette grande dame, son visage impassible, sa main d'artiste nous raconte l'histoire de l'humanité. Cela se passe à Bruxelles. Nous sommes très honorés de notre formidable collaboration avec ce peuple et le centre d'art de Buku-Larrŋgay.
Aujourd'hui ses œuvres figurent dans les prestigieuses institutions suivantes :
- Rautenstrauch Joest Museum, Cologne, Germany
- Art Gallery of New South Wales, Sydney NSW
- Artbank, Sydney NSW
- Australian Capital Equity Collection, Perth WA
- Berndt Museum, University of Western Australia, Perth WA
- Charles Darwin University Art Collection
- Estate of Kerry Packer Collection
- Kerry Stokes Larrakitj Collection, WA
- Kluge-Ruhe Aboriginal Art Collection of the University of Virginia. USA
- Melbourne South Australian Museum. Adelaide SA
- Museum and Art Gallery of the Northern Territory, Darwin NT
- Museum Natur und Mensch, Ethnologische Sammlung in Freiburg
- Nahum Gutman Museum of Art, Tel Aviv, Israel
- National Gallery of Australia, Canberra ACT
- National Gallery of Victoria, Melbourne VIC
- Seattle Art Museum, Seattle USA
- The Kelton Foundation Collection, Santa Monica, USA
- collections privées
Une exposition à ne pas manquer à Bruxelles avant les fêtes ! “The Dawn – L’Aube” - Aboriginal art from Australia – Buku-Larrŋgay Exposition à la galerie Aboriginal Signature Estrangin : 101 rue Jules Besme, 1081 Bruxelles. Sur RDV jusqu'au samedi 18 décembre 2021. Découvrez les œuvres disponibles ici.