Qui imagine ici la genèse d’une œuvre collaborative avec les plus grands artistes Aborigènes d’une communauté artistique. En Europe ce serait un bal des égos. De l’autre côté de la planète les pieds dans la terre rouge des déserts Australien, il s’agit d’un dialogue codifié selon la Loi Aborigène...
Un grand chasseur Aborigène, maître de l’abstraction
J'entends l'écho pictural des peuples Aborigènes
Nous ne parlons pas la même langue. L'épaisseur de la terre nous sépare de leur univers. Leurs pistes chantées du Temps du Rêve quadrillent un territoire incarné, signifiant, bouleversé par des cohortes de générations. Toutes, elles ont laissé une trace indélébile dans la mémoire collective d'une communauté. Elle parvient jusqu'à nous comme par miracle, grâce à la main bavarde de ces artistes Aborigènes d'Australie.
Chaque fois que je les rencontre, je suis ému par leurs créations picturales. Bien au delà des signes et des toiles, j'entends l'écho des peuples, la voix grave des ancêtres que nous oublions bien souvent ici, leur lien unique et privilégié avec la nature dure et austère des déserts... Tels des gardiens de la terre, il la célèbre afin que celle-ci porte les enfants de demain pour des millénaires encore à venir...
Je ressens dans ces rencontres une intensité et extrême fragilité à la fois. Combien d'années pourrais-je encore les revoir ? Je mesure le privilège d'avoir posé la main sur une épaule, serré les doigts d'un ancien, été invité dans un lieu sacré en leur compagnie, ou d'avoir discuté aux confins du langage, à travers les frontières des mots qui nous rassemblent ou non.
Leur regard profond porte le cri d'un peuple survivant, mais aussi le message pudique d'hommes et de femmes témoins des origines. C'est joyeux, triste et bouleversant à la fois. Les émotions se confondent dans un océan de perplexité.
Ici à Bruxelles, je tente de leur rendre justice et d'être un peu passeur de ce peuple et de sa mémoire. A travers les expositions qu'ils nous font le privilège de partager avec nous. Ce sont des rencontres uniques, rares, puissantes, et cela mérite le détour si vous avez l'occasion de passer. Prenez le temps de vous laisser apprivoiser par ces chefs d'œuvres des antipodes.
Merci à Mick Wikilyiri (1940) pour cette photo prise par Skye O'Meara à Amata en 2016. Ses peintures évoquent souvent l'histoire emblématique du Temps du Rêve associé à la Fourmi à Miel. En novembre prochain nous exposerons des œuvres magnifiques et considérables de sa communauté de Tjala Arts. Quelques infos ici.
L'écho de leurs œuvres traverse les continents. Leur culture rescapée essaime à travers leurs peintures. Elles enrichissent de plus en plus les collections des musées du monde. Pierre après pierre, un chemin se construit au delà des pistes et connecte notre planète.
Respect aux artistes !