Du 16 juin au 25 juillet 2015, nous vous vous invitons à la découverte des artistes Aborigènes clefs de l’APY LAND (Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara), un territoire Australien à 400 km au sud d’Alice Springs.
Cet espace désertique immense couvre 103 km2 au cœur du pays. Il fut récupéré en 1981 par les Aborigènes nomades vivant depuis des millénaires sur ces terres semi-arides.
Leurs peintures contemporaines réalisées loin de la foule, sont profondément habitées par leur spiritualité du temps du rêve et incarnées par les pistes chantées qui traversent ces immensités.
Cinq centres d’art CONTEMPORAINS, vecteurs d’une mémoire vivante millénaire
En partenariat avec cinq centres d’art (coopératives artistiques gérées par les Aborigènes) disséminés dans le APY Land : Ernabella, Mimili Maku, Tjungu Palya, Kaltjiti, Warakurna, nous présenterons 20 artistes clefs au sein de l’espace imprimerie de la galerie Aboriginal Signature.
Les peintures de ces artistes de haut niveau, sélectionnées avec attention dans les centres d’art, n’ont encore jamais été présentées dans notre partie de l’Europe (que ce soit en Belgique, France, au Luxembourg, ou en Angleterre…).
Chaque œuvre vibrante, véhicule sur les toiles la mémoire de ce peuple, issu de la plus ancienne culture continue à travers le monde. La transmission à travers les générations à introduit une codification de signes d’une civilisation sans écriture. Les symboles accessibles aux initiés confinent sous notre regard occidental à l’abstraction. On y perçoit cependant une profondeur, une puissance, à travers l’inventivité du geste des artistes, pour ne garder que l’essentiel, comme si le temps avait effacé les scories superficielles.
Ces peintures signifiantes permettent à ce peuple nomade de garder leur mémoire vive, et participent à l’effort de transmission aux plus jeunes générations. Si nous n’avons pas en tant qu’occidentaux accès aux secrets évoqués sur les toiles, les artistes aborigènes sont sensibles et fiers de partager leur culture avec le monde, à travers ce mouvement d’art contemporain, reconnu par les plus grandes institutions dans le monde.
Centre d’art de Mimili Maku :
Sur le site de Mimili vivent 350 personnes. Cette petite communauté parle différentes langues du Yankunytjatjara, Pitjantjatjara, Ngaanyatjarra et Luritja. La communauté s’est établie sur place en 1970, à la suite de la restitution des terres aux propriétaires traditionnels. Cet ancrage fort sur le territoire permet aux artistes de poursuivre avec intensité la célébration du temps du rêve dans toutes ses dimensions mythologiques, sociétales, dans une dynamique de partage de la connaissance et de transmission aux plus jeunes.
Centre d’art de Tjungu Palya :
Le centre d’art de Tjungu Palya joue un rôle essentiel pour assurer la pérennité des communautés sur place. Il accueille en son sein de multiples talents, exprimant leurs individualités à travers des œuvres profondément connectées au territoire et à leur mémoire ancestrale. Le plus souvent dans des peintures confinant à l’abstrait. De nouveaux peintres plus émergents appréhendent de façon innovante d’autres formats et styles, offrant ainsi à ce centre une extraordinaire diversité d’expressions, comme Teresa Baker, Beryl Jimmy, Iyawi Wikilyiri.
Centre d’art de Tjala :
Le centre d’art de Tjala est situé dans la localité d’Amata, du nom de la communauté Aborigène installée à 110 km au sud d’Uluru dans le APY land. Ce centre d’art est cogéré par les Aborigènes. Créé en 1996 sous le nom de Minymaku, ce centre d’art a adopté en 2006 le nouveau nom de Tjala, évocateur de mythes du temps du rêve dans cette région et également traduction du terme de la fourmi à miel. De nombreux artistes de ce centre artistique font partie de grandes collections à travers le monde. Une œuvre magistrale de l’artiste Sylvia Ken (le rêve des 7 sœurs) était par exemple présentée en ouverture de l’importante exposition d’art Aborigène au musée d’Aquitaine à Bordeaux en 2013 : Mémoire vive, une histoire de l’art Aborigène.
Centre d’art de Kaltjiti :
Les artistes du centre d’art de Kaltjiti vivent à Fregon, au nord-ouest de la partie sud de l’Australie, dans le APY land. On considère souvent cette région comme la dernière frontière du désert traditionnel.
En 2011, des peintures sublimes du centre d’art de Kaltjiti furent remarquées lors de l’exposition « Living water » au musée national central de Victoria. Leurs artistes comme les autres centres d’art du APY land, sont particulièrement recherchés par les collectionneurs et galleries.
Abstraction contemporaine : focus sur 5 artistes
Au sein du désert central, dans la région du APY land, nous présenterons différents artistes clefs du centre d'art de Tjungu Palya - Béryl Jimmy, Angkaliya Curtis, Iyawi Wikilyiri - dont la palette est composée d'à-plats de couleurs, avec beaucoup de matière et des effets de brossage en guise de texture. L'univers d'Angkaliya Curtis, hier peuplé d'animaux totémiques, presque figuratifs, tels des bestiaires fantasmagoriques sur ses toiles, offre dans ces œuvres majeures une vision plus abstraite et incarnée du territoire.
Chez l’artiste Maringka Baker se retrouve une évocation subtile et puissante du paysage, dans une vision spirituelle presque cadastrale et incarnée.
Des œuvres de Betty Pumani du centre d'art de Mimili Maku, offriront une transition habile vers univers plus pointilliste, avec des nuances délicates de points qui finissent par se confondre, pour former des déliés dans une approche plus spatiale, presque cosmique, dessinant les pistes chantées des nomades de ces déserts semi-arides.
Chez l’artiste Ngupulya Pumani, une peinture signifiante sensible prend forme à travers des signes codifiés complexes habitant tout l’espace peint. Le caractère sensible et secret de ceux-ci conduit l’artiste a habilement déposé un voilage de points infini qui atténue la perception des signes, les protège de notre regard et offre une nuance poétique du paysage visible.
Deux œuvres de l’artiste Yurpiya Lionel dessinent un mythe du temps du rêve lié à la chenille, ancêtre totémique ayant formé le territoire. Les lignes formées de juxtaposition de points s’enchaînent pour évoquer les dunes du désert semi-aride, comme dans le mouvement des ondulations de la chenille. L’effet de texture est saisissant.
Au fil des expositions de notre galerie d'art Aborigène, nous nous attachons à vous faire découvrir l'amplitude et la diversité de ce mouvement d'art contemporain naît à Papunya en 1971 (lieu de Kintore).
A travers le regard des artistes, souvent de grands initiés, ce mouvement artistique ne cesse de puiser dans le terreau fertile d'une culture multi-millénaires, les gisements d'une créativité artistique insatiable, porteuse de la mémoire d'un peuple.
L'ART ABORIGENE : UN PARCOURS UNIQUE
Le peuple aborigène a toujours été artiste. Ce sens artistique s’illustre de façon continue dans leur culture depuis 50 000 ans. Les premières peintures ont été réalisées dans sur des parois et dans des grottes en Australie il y à 30 000 ans. Les aborigènes peignent aussi sur les corps et sur les sols, en réalisant, notamment, des fresques cérémonielles sur le sable sur des surfaces de 200 m² !
A l'origine, le but de ces peintures était spirituel, social, presque religieux. Elles reflétaient et interprétaient, en effet, "le temps du rêve" ou Dreamtime (Tjukurrpa en langue anangu). Ce concept se trouve au cœur de la culture des aborigènes d'une bonne partie de l’Australie et accompagne les différentes cérémonies. "Le temps du rêve" explique les origines du monde et plus particulièrement les origines de l'Australie et de ses habitants. "Le temps du rêve" désigne ainsi l'époque qui a présidé à la création de la Terre et des paysages par les ancêtres fondateurs.
C’est une période immergée dans la spiritualité. Pour les aborigènes, ce "temps du rêve" n'a pas disparu. Il peut être atteint au travers de différentes célébrations des mythes ancestraux de leur peuples. Ces mythes ancestraux doivent donc être accomplis et renouvelés par les vivants pour honorer les ancêtres. Ils permettent également de communiquer avec les esprits, de souligner les lois sociales, les dimensions spirituelles et font presque office de « code civil ». On pourrait également comparer "le temps du rêve" à notre Genèse avec la différence qu'il n'est pas figé. Il est fertilisé par les générations d'aujourd'hui et se nourrit par des événements récents. C'est un cycle vivant qui s’enrichit des mythes et des rituels de toutes les époques et du temps présent. La peinture contemporaine d’aujourd’hui favorise bien souvent une transmission de ces connaissances, et reflète aussi la cartographie de territoires signifiants.