Tracking Memories. Cette nouvelle et dernière exposition du Musée d'art contemporain Aborigène d'Utrecht (AAMU) mérite le détour à plus d'un titre. Durant 16 ans de façon inclassable et inlassable, ce musée privé unique en Europe n'a cessé d'établir un dialogue, des passerelles, entre les artistes occidentaux et l'art Aborigène d'Australie.
Un jour, il y a 15 ans j'ouvrais la porte de cette institution après avoir flâné aux bords des canaux de la ville étudiante si vivante d'Utrecht. Quelle découverte !
Enfin j'étais confronté en direct avec des œuvres d'art Aborigène de haut niveau. Point celles destinées aux touristes, ou à une déco éphémère, mais bien ces peintures et sculptures qui ornent les cimaises aujourd'hui des plus grands musées du monde comme le British Museum, le MET à New-York, le MEG à Genève, le musée du Quai Branly à Paris pour n'en citer que quelques-uns.
Je ne compte pas le nombre de vocations de collectionneurs que suscita l'AAMU en Europe. Il fut d'ailleurs plus qu'un musée, pour s'affirmer comme une véritable ambassade culturelle, toute entièrement dédiée avec des fonds privés à défendre la culture Aborigène d'Australie et à l'élever au rang d'art majeur.
Je ne peux oublier de fantastiques expositions visitées depuis sa création :
- Opening Doors en 2006, avec les remarquables portes peintes en 1984 de l’école de Yuendumu
- Breaking with tradition : COBRA & Aboriginal Art en 2010, qui établissait un dialogue improbable vu les dates, et pourtant oh combien fertile entre le mouvement COBRA et l'art Aborigène du Kimberley.
- Be my Guest en 2012, où des artistes occidentaux choisissaient de faire dialoguer leurs œuvres avec une sculpture ou peinture d'art Aborigène sélectionnée par leurs soins.
- Brook Andrew : Them park en 2009, où l'artiste urbain Brook Andrew investit les lieux comme son atelier pour y créer des œuvres in situ absolument monumentales.
- d'autres plus polémiques comme BOMB en 2014 sur la colonisation, le racisme, avec un esprit provocateur mais également un subtile dosage humoristique qui ne fut pas compris par tous.
- The Laverty collection dans Heart and Soul en 2012, avec différents chefs d’œuvre de ce couple de collectionneur Australien légendaire, dont leurs deux ouvrages font référence en terme de démarche par l’acuité de leurs sélections et leur audace pour ne jamais céder à la facilité mais toujours rechercher l’œuvre qui interpelle.
- Sans oublier Show your colors en 2009 avec des œuvres somptueuses d’Emily Kame Kngwarreye et plusieurs œuvres de l’artiste Daniel Walbidi que j’avais eu l’occasion de prêter à nouveau au Musée.
Tout cela a été possible avec une équipe de bénévoles passionnés par le projet de l'AAMU et des permanents engagés, comme leur conservateur Georges Petitjean, reconnu pour sa vision transversale, son approche scientifique pointue, son exigence pour offrir au cœur de l’Europe des expositions interpellantes d’art Aborigène de haut niveau.
Avec tristesse, mi juin 2017, ce musée privé fermera ses portes. Une raison supplémentaire de ne manquer sous aucun prétexte leur dernière exposition : Tracking Memories. Plus que jamais cette exposition nous interrogera sur la mémoire collective à travers les continents Africain, Européens et Australiens, marquée par nos histoires croisées, la colonisation, et son influence qui perdurent aujourd’hui.
Pour une dernière fois, le musée convoque un dialogue improbable, fécond et profond entre des sculptures africaines, des peintures Aborigènes de la collection du musée et des œuvres occidentales comme celles de l'artiste Belge Danny Matthys
Plus d'info sur Tracking Memories ici.
AAMU
Museum of contemporary Aboriginal art
Oudegracht 176
3511 NP Utrecht
The Netherlands
T +31 (0)30 2380100
E info@aamu.nl