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Dans les coulisses de l'exposition Papunya Tula : interview du manager de la galerie

Premières implantations et maisons de Papunya. © crédit photo : Roseline D.

Premières implantations et maisons de Papunya. © crédit photo : Roseline D.

Cela fait un an que vous rassemblez des œuvres pour cette exposition. Pourquoi est-elle si importante ?

Pour une galerie spécialisée en Art Aborigène d'Australie, comme pour un collectionneur, Papunya Tula reste la référence à la fois sur le plan historique mais également comme l'élément pivot artistique où tout à commencé il y a 43 ans.

Avec le terme de Big Bang, nous pourrions imaginer par erreur une exposition sur les premières œuvres de ce mouvement artistique, aujourd'hui le plus souvent rassemblées dans des musées à travers le monde, dont l'exposition marquante qui fut organisée au Musée du Quai Branly en 2012.
A l'inverse, j'ai plutôt cherché à montrer sur les 15 dernières années des œuvres fortes de ces artistes qui changèrent la donne en Australie, avec à la fois des peintures muséales et d'autres œuvres d'artistes plus émergents pour susciter des vocations.

Sur notre première année, je me devais de prévoir dans notre programmation une exposition sur Papunya, afin de souligner l'ancrage et toute la diversité de ce mouvement d'art contemporain. Fin 2015, nous aurons ainsi présenté plus de 11 communautés Aborigènes différentes du Nord au Sud et d'Est en Ouest.
C'est un aperçu de la fine fleur de l'art Aborigène mais il reste beaucoup à faire pour les mois et années à venir, ce mouvement artistique étant d'une belle vitalité, en dépit de la disparition souvent bien rapide des artistes.

Nous sommes aussi très fiers d'être le représentant officiel en Europe, sur la Belgique, pour Papunya Tula, signe du sérieux de notre engagement, et privilège rare accordé à moins de 9 galeries dans le monde.
 

Dans le titre de votre exposition vous parlez de Big Bang. C'est fort !

Cette expression me semble très juste pour évoquer ce mouvement d'art Aborigène.
Une étincelle créative se produit en 1971 à Papunya par l'entremise de Geoffrey Bardon, professeur à l'école. Elle va déclencher une expansion comme un Big Bang, qui déclenchera la naissance d'autres centres d'art comme autant de constellations dédiées au partage et à la perpétuation inventive de leur culture.
Ce phénomène remarquable changera le destin de beaucoup d'Aborigènes. il y a 44 ans, dans un des endroits les plus pauvres de la planète, cet événement bouleversera la vie d'un peuple si malmené sur les derniers siècles et lui permettra de conquérir un statut unique dans le monde l'art.
 

Dans l'art Africain ce qui est authentique, de valeur, est ancien. Ce réflexe perturbe souvent en Europe comme en Belgique face à l'art Aborigène. Qu'en pensez-vous ?
 

Les Africanistes diraient même que les objets les plus intéressants et dignes d'intérêt dans l'Art Africain doivent remonter avant 1930 et encore mieux avant 1914.
Pourquoi ? Après la colonisation, les bouleversements culturels ont dénaturé les civilisations présentes en Afrique. Les objets étaient par après le plus souvent réalisés pour les colons ou touristes, sans lien avec des cérémonies ou des cultes.

Pour l'art Aborigène nous parlons en effet d'art contemporain dans le sens où celui-ci nous a été révélé dans notre monde moderne, par la peinture, qu'elle soit sur écorce ou en acrylique dans le désert central.
L'expression des artistes est bien contemporaine mais tire sa substance de leurs connaissances et traditions plus que millénaires et parvenues miraculeusement jusqu'à nous aujourd'hui.
Contrairement à l'Afrique, des cycles d'initiations continuent aujourd'hui d'être célébrés et les connaissances ancestrales peuvent être transmises aux nouvelles générations, dans une dynamique accentuée par les politiques de restitution des terres aux Aborigènes. Même si cela reste fragile, cette persistance existe encore aujourd'hui.

La majorité des œuvres d'art Aborigène traitent du Temps du Rêve, de leur spiritualité, mais également de la Loi sociale, des mythes ancestraux de créations du territoire et d'événements plus récents qui s'ajoutent au cercle vertueux de ce que la mémoire de leur clan doit garder vive.
Leur peinture signifiante, comme à Papunya Tula, reste codifiée, avec des sens multiples, apanage des initiés, même si les Aborigènes consentent à partager avec nous quelques dimensions.

Les grands collectionneurs d'Art Aborigène ne s'y trompent pas et trouvent jubilatoire cette convocation dans leurs toiles, de signes millénaires souvent extrapolés - perçus de façon abstraite par notre regard d'occidental - et d'innovations picturales pour faire ressentir les vibrations et résonances de leur peuple.

A l'inverse d'artisans qui existent aussi en Australie, les grands artistes Aborigènes portent haut la culture de leur peuple tout en innovant dans le développement de leur individualité.
Ainsi le modèle applicable à l'art Africain pourrait difficilement se traduire face à la dynamique et à la valorisation des œuvres d'art Aborigène que les musées collectionnent à leur tour.
La sensibilité du regard des Européens et des Belges pour les Arts premiers, leur donne une partie des clefs pour appréhender ce grand mouvement artistique en plein développement.

Retrouver plus d'information sur l'exposition Papunya Tula : Big Bang d'un mouvement d'art contemporain.