Dans cette œuvre magistrale de Pepai se retrouve l’empreinte de son enfance dans le désert, par l’usage de formes et de signes appréhendés dans ses jeunes années sur les terres de Papunya. Les triangles, losanges, carrés, qui scarifient ses réalisations en céramique, s’évanouissent ici dans cette peinture, dans des formes graphiques extrapolées, émoussées, presque fondues, et atténuées dans des jeux d’ombres subtils.
La conjugaison de ces éléments géométriques évoque comme des parcelles de territoires embrassées du ciel. Cela nous renvoie aux métiers précédents de l’artiste quand il était arpenteur dans ces terres arides du APY lands Australien. Avec cette vision spatiale des nomades, il y disposait des clôtures structurant le territoire, organisant ou restreignant la circulation des animaux.
L’usage du point appliqué avec précision, conjugué, démultiplié jusqu’à former un à-plat hier, gagne ici en liberté. Ce point s’évade d’un coup de pinceau. Il s’évanouit dans une envolée du geste. Il ne laisse plus qu’une griffure dans la peinture blanche faisant apparaître dans un voile diaphane, la toile noire sous-jacente. L’on songe à un univers sous-terrain où résident les ombres des ancêtres, avec la puissance continue des cohortes des générations.
Avec une palette chromatique dans les noirs, blancs et crèmes, particulièrement distinguée, les lignes ondulantes sombres, les trous d’eau invitent le regard et évoquent comme une ponctuation majeure des temps immémoriaux, comme une signature vibrante et élancée des inventeurs incarnant le territoire.
Puis ces lignes prennent vie sous la forme d’un serpent qui transperce la toile, ondulent sous la croûte terrestre, dessine les chemins du Temps du Rêve, s’enfonce sous terre jusqu’à la nappe phréatique pour faire émerger l’eau en surface. L’ondulation du mouvement nous suggère l’énergie des forces telluriques présidant aux Temps de la Création autour du lieu sacré de Walungurru, porté par son père.